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Scolies
30 octobre 2011

XXIV

Le baiser est la plus sûre façon de se taire en disant tout.

– Guy de Maupassant

 Francesco_Hayez_008

Oui ; aussi, lorsque nous embrassons, c'est souvent que nous ne savons que dire ou que faire ; nous sommes conduits au baiser. Je parle des baisers trouvant leur source dans la passion véritable, où les mots attraction, attirance, désir, fascination ont réellement un sens. En ce cas, le baiser, et surtout le premier, est à la fois inattendu, car imprévisible, et nécessaire ; nous nous demandons ce que nous venons de faire, nous essayons en vain d'en peser les conséquences – il est trop tard, nous sommes embarqués. Où ? Pour aller où ? Nous ne savons pas ; surtout nous ne savons pas ; mais nous y allons, et le chemin arrière n'est déjà plus envisageable.

Je relis cette phrase, et je trouve que ce qu'on y sent, c'est la supériorité de l'expression corporelle sur l'expression discursive ; en amour, le logos est vaincu d'avance, c'est le corps qui triomphe. La séduction préparée peut se faire avec des mots, soit ; mais quand l'amour réalisé commence, quand la passion joyeuse s'effectue tout de bon, le logos s'efface presque complètement pour laisser faire le corps. D'où l'on voit que dans le début de la passion réalisée, les récents amants heureux ne se parlent pas : en parlant, ils diraient à la fois trop et pas assez ; seules les lèvres, les regards aussi, et les sourires peuvent permettre une adéquate communication avec l'aimé. Les hommes à femmes souvent ne font que causer ; aussi, ils ne sentent pas l'amour véritable, l'amour heureux : leur plaisir vient uniquement du sentiment de victoire, et ils parlent, logifient frénétiquement pour glorifier cette victoire, ce qui les protège momentanément de l'ennui.

Un baiser se sent et ne s'explique pas ; un baiser ne se déplie pas ; il garde sa forme, il est beau, il est fier de sa nécessité, il chante les charmes de l'intuition plutôt que ceux du logos ; il est fort tel qu'il est, et c'est pourquoi il demeure si bien dans les souvenirs, si chatoyé, tandis que les belles phrases, vites dépliées et modifiées en soi, se perdent petit à petit dans notre intériorité.

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