LVII
Aimez les choses à double sens, mais assurez-vous bien d'abord qu'elles ont un sens.
– Sacha Guitry
Si l'on eût appliqué cette recommandation du dernier grand homme d'esprit français, on eût évité le ridicule de dépenser son temps et son énergie à expliciter le sens des fariboles de René Char ou des fumisteries prétentieuses de l'autre con de poète encore vivant, Yves Bonnefoy, pape des nébuleuses modernes, le plus débile des plotiniciens, morts et vivants confondus cette fois. (Je considère qu'un poète dont on peut compléter les vers libres – autre innovation sans intérêt de la modernité, laquelle a décidément bon dos – en écrivant n'importe quoi à la suite des mots écrits sans que personne ne s'en aperçoive est un camelot – pour ne pas dire connard prétentieux, voyou éhonté, enculeur de l'humanité, gerbe des lettres, attardé contagieux etc.) Quand on voit la quantité de bouquins ou de thèses qui ont été écrites sur les balivernes des poètes voyants, c'est-à-dire charlatans, on a de quoi se gausser de cette fange de l'humanité, moins innocente et plus nuisible qu'on ne le croit. Il y a de la superstition et un mépris franc de la raison dans ces tentatives arrogantes de donner un sens à ce qui, de toute évidence, n'en a pas. L'occultisme pousse partout, et l'Université se charge d'accueillir la part la plus pédante des inventions de celui-ci. Combien d'élèves ont-ils été dégoûtés de la littérature par les cours pompeux, donnés parfois dès le collège, sur les masturbations à peine déguisées des poètes voleurs de temps, voleurs de neurones, voleurs d'entendement, voleurs de néo-cortex, voleurs de bon sens, voleurs de goût, voleurs enfin de la poésie véritable ?
Ce qui est formidable, c'est que le sens commun suffit pour remarquer l'arnaque de la poésie si fière d'être moderne ; il n'y a nul besoin de se livrer à des lectures attentives, à des interprétations complexes, car quiconque un tant soit peu lucide finira toujours par comprendre que le Je des poètes n'est pas autre, mais juste con ; or les cons ne sont pas si dérangeants tant qu'on ne nous ordonne pas de les lécher. Honte et mauvaise note à celui qui ne lèche pas les conneries des poètes ! Les mauvais élèves sont rarement les moins doués de raison.