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Scolies
2 décembre 2011

LVII

Aimez les choses à double sens, mais assurez-vous bien d'abord qu'elles ont un sens.

Sacha Guitry

 sacha_guitry

Si l'on eût appliqué cette recommandation du dernier grand homme d'esprit français, on eût évité le ridicule de dépenser son temps et son énergie à expliciter le sens des fariboles de René Char ou des fumisteries prétentieuses de l'autre con de poète encore vivant, Yves Bonnefoy, pape des nébuleuses modernes, le plus débile des plotiniciens, morts et vivants confondus cette fois. (Je considère qu'un poète dont on peut compléter les vers libres – autre innovation sans intérêt de la modernité, laquelle a décidément bon dos – en écrivant n'importe quoi à la suite des mots écrits sans que personne ne s'en aperçoive est un camelot – pour ne pas dire connard prétentieux, voyou éhonté, enculeur de l'humanité, gerbe des lettres, attardé contagieux etc.) Quand on voit la quantité de bouquins ou de thèses qui ont été écrites sur les balivernes des poètes voyants, c'est-à-dire charlatans, on a de quoi se gausser de cette fange de l'humanité, moins innocente et plus nuisible qu'on ne le croit. Il y a de la superstition et un mépris franc de la raison dans ces tentatives arrogantes de donner un sens à ce qui, de toute évidence, n'en a pas. L'occultisme pousse partout, et l'Université se charge d'accueillir la part la plus pédante des inventions de celui-ci. Combien d'élèves ont-ils été dégoûtés de la littérature par les cours pompeux, donnés parfois dès le collège, sur les masturbations à peine déguisées des poètes voleurs de temps, voleurs de neurones, voleurs d'entendement, voleurs de néo-cortex, voleurs de bon sens, voleurs de goût, voleurs enfin de la poésie véritable ?

Ce qui est formidable, c'est que le sens commun suffit pour remarquer l'arnaque de la poésie si fière d'être moderne ; il n'y a nul besoin de se livrer à des lectures attentives, à des interprétations complexes, car quiconque un tant soit peu lucide finira toujours par comprendre que le Je des poètes n'est pas autre, mais juste con ; or les cons ne sont pas si dérangeants tant qu'on ne nous ordonne pas de les lécher. Honte et mauvaise note à celui qui ne lèche pas les conneries des poètes ! Les mauvais élèves sont rarement les moins doués de raison.

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Commentaires
D
Monsieur le très grand lecteur de Racine, pensez-vous sincèrement que les chansons de Brassens sont fades ?
T
Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne l'hermétisme poétique qui a vu le jour au XIXe siècle. Je ne crois que nos goûts soient si irréconciliables que cela. Je n'aime pas beaucoup Mallarmé par exemple, je lis très peu de romantiques, je suis un très grand lecteur de Racine et un amateur de poésie baroque. Par contre, je persiste à affirmer que vous ne connaissez pas Yves Bonnefoy qui est un très grand poète, nulle obscurité dans ses mots mais une voix, une très grande voix qui parcourt les textes (la beauté presque naïve de ces proses). De la même façon qu'aujourd'hui, il existe de très grands poètes lumineux; je pense à Philippe Jaccottet, Philippe Delaveau, Jacques Réda, Jean-Michel Maulpoix ou Alain Duault.<br /> <br /> Bien à vous,
B
Houellebecq n'est certainement pas un grand poète mais a le mérite d'écrire des textes intelligibles, ce qui est malheureusement devenu rare aujourd'hui. Vous utilisez l'argument d'autorité en invoquant Jean-Pierre Richard, comme s'il était évident qu'il soit d'une grande valeur ; le peu que j'ai lu de lui me ferait pencher pour l'hypothèse inverse. Nos goûts sont inconciliables !<br /> <br /> Je ne cherche évidemment pas des concepts dans la poésie. Mais si la force spécifique de l'art consiste à exprimer par intuition, sans médiations de concepts, une idée, encore faut-il qu'il y ait une idée et un sens dans l'oeuvre. Lorsque nous lisons les véritables grands poètes, qui eux sont toujours clairs dans l'expression de l'idée, nous y trouvons effectivement cette intuition formidable propre à l'art. "Ce qui ce conçoit bien s'énonce clairement Et les mots pour le dire arrivent aisément". Qui applique aujourd'hui cette maxime d'un grand poète ? Certainement pas Bonnefoy ! Peut-être que le devoir de clarté est jugé archaïque aujourd'hui ? O tempora, o poetae !<br /> <br /> Vous avez tort de négliger la chanson, qui est l'origine même de la poésie, comme on ne le rappellera jamais assez. La poésie ne devrait jamais céder aux attraits faciles de l'hermétisme, dans lequel je ne vois nulle profonde exigence ; l'exigence véritable est au contraire de s'exprimer le plus simplement(ce qui ne veut pas dire pauvrement) et le plus clairement possible. Enfin, il suffit de lire La Fontaine, Racine, Ronsard et tant d'autres classiques pour voir que la beauté n'a pas besoin d'un stupide voile d'obscurité pour exister. <br /> <br /> Vous aimerez bien faire de mon propos un discours débile, incohérent et irrationnel ; il est peut-être gauche, mais est tout à fait rationnel et cohérent ; c'est que je fais quelque chose de très simple : j'envoie juste balader les fariboles inintelligibles qui se cachent derrière les apparences de poésie. On pourrait s'amuser à faire la généalogie de l'obscurité en poésie, qui s'y est introduite peu à peu depuis le XIXème siècle et le romantisme, mais ce n'est pas ici le lieu pour ; je préfère me moquer directement des fumisteries qui abêtissent les pauvres élèves devant subir le laïus des professeurs et les galimatias des soi-disant poètes.
T
Le simple fait que vous préfériez Houellebecq en poésie finit de me dissuader d'écrire davantage. L'humilité est simplement de reconnaître que si de nombreuses personnes de grande qualité (tel Jean-Pierre Richard et d'autres) aiment Bonnefoy, c'est qu'effectivement il possède quelque chose qui nous permet de mieux entrer en profondeur dans les contradictions dont nous sommes faits. <br /> De surcroît, si vous cherchez de la raison, du concept et de l'intelligence raisonnante, il ne faut pas lire de poésie mais de la philosophie. <br /> Vous êtes un garçon de votre temps, vous préférez la fadeur de la chanson à l'exigence de la poésie. Je ne vous en veux pas de préférer l'une à l'autre, simplement, si vous souhaitez écrire quelque chose sur Bonnefoy et les poètes que vous prétendez épingler, ayez au moins pour votre lecteur la décence de proposer un propos cohérent intellectuellement et qui sait de quoi il parle... Sinon, il faut préférer le silence.<br /> <br /> Bien à vous,
B
Bien le bonsoir !<br /> <br /> Mes phrases vous semblent arrogantes et vous imaginez que je suis un gamin gonflé d'orgueil ; soit ; quant à moi, il me semble ce sont les nombreux apôtres de la poésie institutionnelle d'aujourd'hui, laquelle n'est qu'une vaste nébuleuse entretenue par des pédants n'intéressant que d'autres pédants, qui puent la prétention et la suffisance. Je crains que nos goûts soient diamétralement opposés ; n'en faisons pas un drame. Je vous prie néanmoins d'être attentif au fait que je n'attaque Yves Bonnefoy que dans une petite pique, et que je ne dis rien de son passé ou du sens de sa vie intellectuelle, duquel je me fous comme de sa vie corporelle ; qu'il se prétende voyant, mystique, moderne, ou tartempion m'est tout à fait égal. Ça me fait juste plaisir d'écrire quelques méchancetés contre l'incarnation d'une mode qui m'écoeure ; ne voyez pas autre chose dans ce que j'écris.<br /> <br /> Je regrette de ne pas retrouver le poème que je m'étais amusé à compléter et qui fut la cause de bien des fous rires ; peu importe, je prends un passage d'un poème entièrement au hasard :<br /> <br /> "Ecoute-moi revivre, je te conduis<br /> Au jardin de présence,<br /> L'abandonné au soir et que les ombres couvrent,<br /> L'habitable pour toi dans le nouvel amour."<br /> <br /> Voyez-vous, je ne trouve rien de plus affecté et ridicule, et je crois que toute son oeuvre m'apparaîtra ainsi, si, dans un éclair de masochisme, je me décidais à la lire en entier. Je crois sincèrement que la lecture de ce genre d'ouvrage gâte l'entendement. Il a renoncé au concept, c'est effectivement visible, et ceci doit contribuer au non-sens ridicule de ses poèmes ; mais il n'y a pas plus d'intuition de quoi que ce soit, car pour qu'il y ait intuition, encore faut-il qu'il y ait une quelconque idée cohérente à saisir. N'ayant ni le concept, ni l'intuition, le vieux Yves nage sur des nuages, et on applaudit le numéro. <br /> <br /> Lisez le Confort Intellectuel de Marcel Aymé, vous y trouverez tout ce que je pense de la poésie contemporaine, et vous verrez que je suis somme toute assez indulgent en comparaison. Je n'aime pas les brumes, je n'aime pas le flou, qui me semblent l'inverse du beau véritable, toujours lumineux et clair ; et des vers dont je ne pige pas le sens sont pour moi méprisables. Je trouve plus de poésie dans Brel ou Brassens que dans tous les poètes modernes réunis, Yves Bonnefoy n'étant que le représentant le plus consacré de ceux-là : je n'ai pas plus d'estime pour Aimé Césaire, Édouard Glissant, Senghor, ou même Eluard, Desnos et toute la clique des surréalistes ; même la poésie de Michel Houellebecq, qui n'est certes pas le plus grand génie du monde, me semble bien meilleure.<br /> <br /> Avec tous mes respects !
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