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Scolies
11 décembre 2011

LXVI

Dépourvue d'âme, la femme est dans l'incapacité de s'élever vers Dieu. En revanche, elle est en général pourvue d'un escabeau qui lui permet de s'élever vers le plafond pour faire les carreaux. C'est tout ce qu'on lui demande.

Desproges

 ClichePhilogelos

Les puissants traits d'humour sont immortels. Je me détourne déjà un peu du sujet, mais je suis frappé par le fait que les bonnes blagues reviennent toujours, sous une forme et avec des personnages différents ; il y a là une solidité et une longévité sans exemple, car la peinture ou la poésie subissent des révolutions, qui ne sont peut-être que des apparences, mais là n'est pas la question. Il existe un ouvrage étonnant, le Philogelos : un recueil de blagues grecques ayant plus de 1500 ou 1600 ans. En le lisant, on rit évidemment très peu ; les blagues ne sont de toute évidence pas faites pour être lues ; une blague sans la voix, sans la présence d'autres individus pour écouter l'histoire, n'est rien, à peine semblable à un script pour cinéma ; mais si l'on rit peu, l'on apprend beaucoup. Drôle d'ouvrage en effet que celui qui apprend sur l'humanité ou lieu de faire rire sur elle ! Mais le rire fait tant apprendre sur l'homme. Dans le Philogelos donc, ce qu'il y a de prodigieux, c'est de lire des histoires drôles qui ressemblent aux nôtres d'aujourd'hui ; et qu'on puisse rire, non pas de la même blague, car la forme est souvent bien différente, mais de la même logique de l'humour, comme s'il y avait une essence du comique (et sans doute que le conditionnel est ici inutile), cela est vraiment admirable. Les Grecs s'en prenaient aux Abdéritains comme nous nous en prenons aux belges, et, chose remarquable qui en dit long sur la civilisation grecque antique, la figure de l'intellectuel est aussi récurrente que notre Toto à nous. J'ai commencé à étudier le grec avec un professeur qui tenait à commencer chaque cours par une blague grecque ; il l'écrivait au tableau, les élèves la recopiaient, et nous traduisions ; du reste, ce n'était jamais la blague qui nous faisait rire, mais le professeur. Il y avait dans cet exercice qui suscitait bien de l'incompréhension plus d'instruction et de sagesse que je ne le croyais.

Par là j'en reviens à ce que je souhaitais dire en relisant la citation de Desproges. Si les blagues sont populaires et anonymes, les traits d'esprits et les grands livres d'humours sont signés, c'est-à-dire qu'ils portent la marque d'une singularité profonde, et c'est pourquoi ils ne vieillissent pas. Auparavant, le génie comique ne pouvait que prendre la forme du théâtre ; et encore aujourd'hui, il n'y a rien de plus drôle qu'Aristophane et Plaute. Il semble que les livres comiques non destinés au théâtre ne sont nés qu'assez récemment ; et ces livres aussi n'ont pas vieilli : Alphonse Allais n'a pas pris une ride. Desproges n'a pas le génie d'Alphonse Allais, qui est de toutes façons indétrônable dans le genre, mais il restera lui aussi, ne serait-ce pour son cynisme teinté d'absurdité et la bouffonnerie virtuose de son lyrisme. 

Les philosophes ne rient pas assez. Nietzsche essaye souvent de faire de l'humour ; ça ne lui réussit pas souvent ; il n'y a rien de plus laid qu'un philosophe allemand qui singe laborieusement l'esprit français de Voltaire, ce qu'on peut voir en lisant le maladroit Humain trop humain. Du reste, on se marre bien plus dans la philosophie française que dans la philosophie allemande ; ce n'est guère étonnant.

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Commentaires
H
La Critique de la Raison Pure de Kant est un instrument de pensée tellement puissant qu’elle ne doit pas être utilisée pure, mais toujours être mélangée à de l’eau avant emploi<br /> <br /> <br /> <br /> (Marc Escayrol)
D
Néanmoins, l'humour allemand semble en mesure de s'imposer comme modèle pour l'Europe de demain. Bigard n'est pas encore programmé à Dortmund, mais tout n'est pas perdu.
Scolies
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