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Scolies
29 janvier 2012

CXV

Nous devons construire sur ce qui résiste, comme font les maçons.

– Alain

macons_moyenage

 

Tout ce qui est réel est résistant, tout ce qui est résistant et réel. Mais l'homme faible refuse de se faire maçon ; il n'aime pas déployer ses forces et jette l'anathème sur tout ce qui n'est pas directement malléable ; c'est une sorte de tyran sans pouvoir ; mieux, c'est un enfant. Pour l'enfant, rien ne résiste ; il ne travaille pas, il prie, il crie, et reçoit. La résistance du monde ne lui apparaît pas, c'est-à-dire que le réel ne lui apparaît pas. Il ne procède que par des signes, messagers magiques allant sans cesse de ses caprices à leurs réalisations quasi immédiates ; c'est ce que l'observation des si bien nommés enfants rois fait bien voir. 

Nombreux sont les enfants rois qui ne parviennent pas à retirer leur couronne. Par le refus du travail, ils se refusent le monde ; ils vivent dans des pays imaginaires où tout est donné, et tout de suite. Ils ne le savent pas, mais ils vivent dans l'âge d'or ; aucune sueur ne coule de leur front ; ils continuent à tout reçevoir, à tout accepter, et ignorent l'origine de leur langueur. L'homme qui ne construit rien est nécessairement malheureux, et il n'y a que les tchandalas qui ne savent pas orienter leur volonté vers des objets solides qui sombrent dans l'ennui. Je ne m'étonne pas que ce soient souvent les savants et les artistes qui souffrent le plus de l'ennui ; c'est que l'objet sur lequel ils tentent de bâtir n'est pas palpable, qu'ils finissent par errer en des rêveries liquides, et qu'ils ne sentent pas assez la matière sur laquelle ils travaillent pour pouvoir y concentrer leurs efforts. L'immatérialité des idées fait la misère des intellectuels.

Pourtant, un écrivain, un savant, est un artisan comme un autre, ce qui est déjà plus visible pour les sculpteurs ou les peintres. Il faudrait sans cesse avoir dans l'esprit cette analogie, pour ne jamais oublier que l'idée est une matière réelle, et donc résistante. Les prolétaires, qui savent si bien ce que c'est que la résistance de réel, ne voient pas que la matière des penseurs est tout aussi résistante et difficile à traiter que la leur ; d'où des moqueries, rarement tout à fait injustes, envers ces intellectuels qui ne savent rien faire de leur main, qui restent assis à contempler des nuages inconsistants, irréels. La considération des grands penseurs fait heureusement voir qu'il en est tout autrement ; tous ne sont pas des fainéants refusant le moindre effort véritable et se réfugiant dans des idées creuses, toutes faites, confortables, inertes, mollasses. Ne confondons pas les penseurs endormis avachis dans leur nuages avec les penseurs éveillés qui affrontent tous les jours le réel résistant.

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