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Scolies
5 février 2012

CXXII

Le sentimentalisme. - Un homme qui aime vraiment une femme, l'amour qu'il lui donne, c'est une autre sorte d'amour que celui qu'elle demande : elle cherche sans cesse à corrompre l'amour que l'homme lui donne. Ce sont les femmes qui ont fait de l'affection une névrose, et de l'amour-affection – sentiment divin quand il est la tendresse, mêlée ou non de désir – cette risible monstruosité, que nous appellerons l'Hamour, par le même procédé qu'employa Flaubert quand il créa hénaurme : pour en indiquer à la fois la prétention et le ridicule. L'Hamour, c'est l'amour-tel-que-l-entendent-les-femmes : naiserie, jalousie, goût du drame, « Voyons, où en sommes-nous ? », anxiété féminine dont la femme contamine l'homme, besoin d'être aimé en retour, aptitude à se changer en haine, inepte scolastique dont l'objet devient si ténu qu'on arrive à se dire : « Mais enfin, de quoi s'agit-il ? ». Bref, un des plus ignobles produits de l'être humain, mille fois plus impur, plus vulgaire et plus malfaisant que l'acte sexuel dans sa simplicité, et le principal « refuge » de la femme et de l'homme contre la raison et la conscience. L'Hamour, le mal européen, la grande hystérie occidentale. Les anciens Arabes crucifiaient côte à côte leur ennemi tué et le cadavre d'un chien. Si l'Hamour avait une forme humaine, c'est ainsi que je voudrais le crucifier.

– Henry de Montherlant

AVT_Henry_de_Montherlant_8891

 

Je considère qu'il n'y a pas de passage plus juste, plus parfait, et sur tous les points, dans toute la littérature et dans toute la philosophie, à propos du problème de la femme. Il n'y a rien à retrancher, aucune objection à formuler ; l'accent est inimitable ; personne ne fera jamais mieux. Et je dis que quiconque contredit la thèse exprimée par Montherlant est ou un niais inexpérimenté, ou une femme trop fière de sa nature ; les deux sont des aveugles. Depuis bientôt deux ans que j'ai lu ce paragraphe, je ne m'en lasse pas ; je le connais à peu près par coeur ; le temps et l'expérience ne font que de confirmer l'idée contenue dans ce trésor ignoré qu'est le cycle des Jeunes Filles, qui, pris dans sa totalité, est une sorte d'explicitation de cette citation. Que dire après ça ? Je sens les forces m'abandonner ; je pourrais essayer de montrer que le bonheur de la femme dépend toujours de celui de l'homme, que ce dernier est le seul à ne pas subordonner sa joie à l'autre sexe, que le pouvoir de séduction et la puissance d'entraver sont les deux principales forces des gonzesses, que les artificiels enquiquinements de l'Hamour sont d'essence purement féminine, que les hommes sont faits pour la vie alors que les nanas sont faites pour l'homme, ainsi que bien d'autres amères vérités ; mais je n'ai présentement envie que de rendre hommage à Montherlant, et de m'enfoncer avec davantage de fermeté ses solides raisonnements de psychologue dans le crâne et le coeur. C'est tout naturellement donc que je me réfugie vers lui, lui dont l'exigent regard scrutateur me pousse à me taire pour le faire parler à nouveau : 

Et à tous ceux qui, « déchirant leur vêtements », glapiront : « Il a blasphémé ! Crime de lèse-amour ! », nous dirons encore que ce n'est pas l'amour que nous diffamons, mais sa caricature, l'Hamour. L'amour parental et l'amour filial, l'amitié véritable, voire l'amour de « Dieu » et l'amour de l'humanité, tels qu'on les voit chez certains âmes hautes ; et même des sentiments qui passent pour n'être que des pâles reflets de l'amour, et sans proportion aucune avec lui, l'affection intellectuelle d'un disciple pour son maître, la gentillesse du supérieur pour l'inférieur, la camaraderie d'armes ou d'aventures, l'intérêt qu'un éducateur porte à son élève ; et même des sentiments que l'opinion place plus bas encore, comme l'amitié de l'homme pour son chien ou pour son cheval, sont des sentiments autrement plus nobles et plus dignes de respect que l'Hamour. 

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