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Scolies
6 février 2012

CXXIII

Si tu n'es pas responsable de la tête que tu as, tu es responsable de la tête que tu fais.

– Confucius

official_confucius_portrait_09_2006

 

Il s'agit d'une ce ces vérités simples, trop peu mises en valeur, qui permettent aux hommes de se plaindre un peu moins de la nécessité, et d'avoir davantage conscience du vaste champ de leurs possibles. Il est vrai que, pour l'essentiel, nous ne sommes pas responsables de ce que nous sommes : nous naissons avec un visage, un caractère, un corps déterminé ; nous reçevons un génotype fixe, que nous ne pouvons pas espérer modifier ; et si, à notre naissance, notre devenir n'est pas tracé d'avance, contrairement à ce que pense les déterministes qui passent à côté du mouvement de la vie en cherchant obstinément à la décomposer abstraitement, le cadre de notre devenir, les arbres de notre forêt existentiel, la couleur, la matière de notre entonoir ontologique, eux, nous sont bel est bien imposés ; toutes ces déterminations ne dépendent pas de nous ; il nous les faut accepter, et composer avec.

L'homme est conscient ; l'homme voit plusieurs chemins possibles ; l'homme peut acquérir des arts, des techniques, dont celui de maîtriser les expressions de son visage. Cette maîtrise du visage est trop souvent négligée en société, a foriori dans la nôtre, qui ne comprend plus les bienfaits de la politesse, ce système heureux de contraintes qui force les individus à plier leur corps aux exigences du savoir-vivre. On peut être ennuyé et ne pas prendre une tête d'ennuyé ; déjà, l'ennui sera plus supportable. Il n'est pas sûr que lâcher la bride à tous les spasmes qui traversent notre corps soit le meilleur moyen de se libérer, comme on le dit parfois ; et refuser de laisser paraître un visage marqué par la douleur lorsque le dentiste nous arrache une dent ou lorsque le dermatologue nous brûle une verrue aide certainement à lutter contre cette douleur. 

Je reviens d'une conférence de Pierre Manent : outre le fait que peu de personnes étaient présentes, la gueule de celles qui l'étaient  me mettaient mal à l'aise. Qu'est-ce que c'est que ces gens qui viennent écouter quelqu'un en tirant la tronche, en baissant les yeux, n'esquissant pas le moindre sourire de contentement ou la moindre expression de surprise, et qui, en somme, viennent là pour endormir leur entendement en bonne conscience, fiers seulement de pouvoir dire qu'ils ont assisté à une conférence d'un éminent intellectuel ? Qu'ils ne s'intéressent pas sincèrement à ce qui est dit, passe encore ; mais qu'ils montrent ostensiblement qu'ils en ont rien à foutre et qu'ils se font chier, alors qu'il suffirait d'un petit effort pour avoir aux yeux du conférencier un visage un tant soit peu stimulant, cela est scandaleux. Ils sont moches, vieux, et mal habillés, on ne va pas les blâmer pour ça ; mais qu'ils mettent tant en valeur, par leur inertie intellectuelle et corporelle, leur vieillesse et leur engourdissement d'esprit, voilà qui est réellement intolérable. Ils ne savent donc pas que savoir porter un masque adéquat en public est une vertu ?

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