Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Scolies
23 février 2012

CXL

Rossini trouva ce juste degré de clair-obscur harmonique qui irrite doucement l'oreille sans la fatiguer. En me servant du mot irriter, j'ai parlé le langage des physiologistes. L'expérience prouve que l'oreille a toujours besoin (en Europe du moins) de se reposer sur un accord parfait ; tout accord dissonant lui déplaît, l'irrite (ici faire une expérience sur le piano voisin), et lui donne le besoin de revenir à l'accord parfait.

– Stendhal

 
J'aimerais que nos compositeurs d'aujourd'hui, rendus sourds par la puérile recherche de l'innovation formelle, reviennent au bon sens, à la bonne oreille, à l'oreille naturelle. Il ne s'agit pas là de l'expression d'un goût subjectif, c'est, comme Stendhal, sur l'expérience que je m'appuie : car enfin, à part les bourgeois pédants et les musicologues sans âme, qui va dans les concerts de musique contemporaine et en sort comblé ? J'étais une fois à un concert de musique contemporaine effroyable, me forçant à ne pas courir hors de la salle pour fuir une telle horreur bonne qu'à donner des migraines ; lorsqu'à la fin, je poussais des soupirs de soulagement, j'eus la chance de pouvoir entendre les commentaires aberrants des pédants, lesquels consistaient de toute évidence à cacher le sentiment de leur ennui par des formules creuses sur l'importance d'être dérouté, la puissance du désordre, la fascination du chaos et autres foutaises de ce genre ; tout était faux dans ce concert, le public, les instruments et la musique. 
 
On ne cesse de vanter l'audace des compositeurs qui surent briser le barrage de l'harmonie tonale, comme s'il s'agissait d'un système de contraintes arbitraires fondé sur la seule tradition et qui n'attendait que de courageux révolutionnaires pour être aboli, leur permettant ainsi de libérer la musique de son carcan archaïque et de multiplier les potentialités de la création musicale ; on sait où ça nous à conduit : aux conneries inaudibles de Boulez, pour ne citer que le compositeur le plus emblématique d'une série sans fin d'insupportables enfants démiurges qu'on applaudit servilement. C'est la volonté absurde de toujours faire du neuf, de toujours vouloir surpasser qui a conduit à ces sottises, le même désir puéril qui a pourri la peinture et la poésie. L'harmonie tonale plaît naturellement, et si l'oreille aime (à petite dose !) les dissonances, c'est parce qu'elle apprécie cet excitant moment de tension qui se résout avec l'arrivée attendue de la consonance ; si l'on retire la détente de la consonance, l'excitation de la tension perd tout son sens, et les dissonances ne provoquent plus que bruits et maux de tête. Le problème est que nos compositeurs ne cherchent plus à plaire, ils trouvent ça avilissant ; fiers précurseurs, ils font progresser la musique, apportent des dimensions nouvelles à leur art ; et ils avouent sans peine que leur musique ne cherche pas nécessairement le beau : ils préfèrent déranger l'auditeur. D'ailleurs, nul besoin de les lire ou de les écouter justifier leurs horreurs : il suffit d'écouter quelques secondes de l'indescriptible Marteau sans maître, et la messe est dite. Qu'on compare donc ce morceau d'anthologie, à jamais la risée de toutes les oreilles sensées, et l'aria célèbre de Rossini, Di tanti palpiti, qui, raconte Stendhal, était chantée dans toutes les rues italiennes en 1813 ; le bon sens fait rapidement son choix.
 
Toute la modernité est une impudente profanation de l'idée de l'art. Après Ravel, tout est nul.
 
 
Publicité
Publicité
Commentaires
Scolies
Publicité
Archives
Publicité