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Scolies
28 février 2012

CXLV

La cinématographie est une écriture en mouvement avec des images et des sons. Si l'on tient à trouver une analogie, il faut chercher du côté de la musique et non du côté de la peinture car on aboutirait à la carte postale.

– Bresson

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Deleuze a raison de parler d'image-mouvement pour caractériser le cinéma, bien que l'on puisse regretter qu'il ne prenne pas assez en considération, dans ses analyses, le rôle primodrial du son. Bresson, plus que n'importe quel autre, était attentif à ce double flux de l'image et du son ; les bruits, chez lui, sont aussi importants que les gestes. Ensemble, ce double flux forme le mouvement propre du cinéma : ça défile, ça coule, c'est mouvant. Comme le statique n'intéresse pas le cinéma, ce sont par les enchaînements réglés de l'image et du son, dans les jointures habilement disposés lors du montage, que les films peuvent se démarquer. Chaque film a un dynamisme unique, qui peut être beau ou non. Le mouvement serait, en quelque sorte, le coeur du style cinématographique. Et qui dit mouvement, dit rythme, tempo. Ainsi, de nombreux films sont mauvais du fait de leur rythme inadapté à la jouissance esthétique du mouvement filmé : les films spectaculaires américains sont souvent beaucoup trop rapides, le spectateur n'a pas le temps d'apprécier la valeur de chacun des plans, il est jeté dans le tourbillon du film, et n'en retient qu'un souvenir confus ; à l'inverse, les films dit "intellos", les films d'auteurs, sont souvent beaucoup trop lents, obligeant les pédants sont obligés de cacher leur ennui en les visionnant, incitant le spectateur à penser à autre chose que ce qui défile devant lui, à rêver, en somme, ce qui s'oppose catégoriquement à la finalité de l'oeuvre d'art. J'admire beaucoup Tarkovsky, et l'on a raison de le considérer comme l'un des plus grands génies du cinéma ; mais enfin, je me sens le devoir, pour tous les intellos qui n'osent pas l'avouer, de me plaindre de la durée extravagante de ses plans contemplatifs et rapidement fatidieux ; de même pour 2001, excellent film du reste, mais qui semble vouloir emprisonner le spectateur dans son mouvement indolent : je n'aime pas ça. En revanche, Bresson ne semble jamais tomber dans ce vice, lui dont les films sont toujours condensés, faisant rarement plus d'une heure et demie, et qui remplit si génialement sa partition cinématographique en faisant alterner bruits, gestes précis, silences, actions soigneuses. L'extraordinaire film de Sacha Guitry, Le roman d'un tricheur, que je place très haut, a un rythme parfait. Dans un bon film, rien n'est de trop ; peu de cinéastes peuvent se vanter d'avoir su se dispenser d'excès dans un art où l'hyperbole est une tare presque naturelle.
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