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Scolies
20 avril 2012

CXCVII

Il importe aussi à la pureté des voyelles qu'elles ne soient pas entourées de consonnes qui troublent leur pureté de son, comme il arrive souvent dans les langues du Nord, où les consonnes affaiblissent le son des voyelles, tandis que l'italien conserve cette pureté, ce qui le rend si musical.

– Hegel

lutte_contre_charles_quint

En ces temps de syncrétisme et d'indifférenciation forcées, il paraît insoutenable de soutenir que certaines langues sont plus belles que d'autres : tous unis, tous fiers de partager les mêmes valeurs, il serait vraiment incongru d'introduire une mesquine volonté de hiérarchie dans un paradis si heureusement homogène. Mais nous pouvons nous réjouir de ceci : jamais une idéologie quelconque, même celle du festivisme, ne pourra lutter contre les intuitions naturelles du sens commun ; et, pour dire clairement et franchement la chose, les gamins découvrant l'allemand en classe pour la première fois seront toujours aussi rebutés et amusés. Ce qui caractérise la découverte de l'allemand, c'est un étonnement devant la rudesse de la prononciation, rudesse suscitant rapidement un écoeurement que vient adoucir les plaisanteries. On a l'impression que entschuldigung est une insulte, et à peu près tous les mots semblent être une telle négation de l'harmonie naturelle qu'il est difficile de ne pas rire ou s'affliger devant l'inépuisable variété des expressions laides. Je ne crois pas que ces jugements de goût soient absurdes, et il me paraît difficile de nier que le mot indépendance se dit mieux en français qu'en allemand, Unabhängigkeit. Il est tout aussi naturel de penser que l'allemand est une langue désagréable phonétiquement que d'affirmer que l'italien est de toutes les langues européennes celles qui se prête le mieux au chant. J'ai toujours trouvé, et affirmé, avec mes camarades de classe, depuis qu'on a essayé de m'enseigner le schleu comme on disait et comme je le dis encore, que l'allemand était moche. Certes, l'allemand possède des vertus incontestables que je ne voyais point auparavant, lorsque j'étais obligé de me torturer la mémoire et la bouche pour parvenir à dire correctement combien j'avais de frères et de soeurs et quel métier je voulais faire plus tard ; Goethe, Nietzsche sont passés par là pour me faire entendre les charmes cachés de l'allemand. Mais je fus ravi, et je le suis encore en y pensant, que Nietzsche avouait préférer lire Le monde comme volonté et comme représentation dans sa traduction française et qu'il regrettait de ne pas avoir pu écrire Ainsi parlait Zarathoustra en allemand. La meilleure phrase possible sur ce sujet est celle qu'on attribue à Charles Quint : je parle espagnol à Dieu, italien aux femmes, français aux hommes et allemand à mon cheval. Tout est là.

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