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Scolies
21 avril 2012

CXCVIII

La sensualité est la condition mystérieuse, mais nécessaire et créatrice, du développement intellectuel.

– Pierre Louÿs

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L'épanouissement d'un homme est un processus vivant, et, par conséquent, l'on ne saurait isoler abstraitement certaines parties de son développement sans heurter sa réalité profonde. Autrement dit, pour espérer réellement comprendre un être, compréhension idéale que nous poursuivons toujours sans jamais pouvoir tout à fait l'atteindre, nous devons le prendre dans sa totalité, sans omettre aucun aspect de lui-même. Les histoires du corps d'un individu paraissent sans importance, mais assurément elles révèlent plus le profondeur cachée d'un homme que bien des détails abstraits de doctrine ; et c'est à Nietzsche que nous devons cette découverte, qui sut si bien exploiter les anecdotes dont il disposait de certains philosophes, tel Schopenhauer, pour aboutir à des conclusions intéressantes. Une oeuvre, qu'elle soit artistique ou philosophique, est non seulement une réussite dans son genre, mais également un témoignage sur la vie : pour saisir toute la portée de ce témoignage, il nous faut essayer d'atteindre l'être qui a déposé ce témoignage, être qui n'est pas un pur esprit, mais qui est également un corps, ayant ses irréductibles spécificités.

Pour cette raison, le rapport d'un être à la sensualité ne doit pas être négligé. La manière avec laquelle un écrivain appréhende la sexualité n'est point un vain détail destiné à remplir les biographies. Le premier exemple qui me vient, et il est éloquent, est celui de Jean-Jacques : qui ne voit pas que des pans entiers de sa philosophie dépendent de ses premières expériences amoureuses ainsi que du souvenir intarissable que laissa en lui sa relation avec Mme de Warens ? Par ce biais, ainsi que par mille autres, on comprend pourquoi Rousseau ne pouvait être Nietzsche, dont le pathétique néant de sa sexualité s'avère fort instructif sur sa philosophie et sur sa manière d'appréhender le monde tout entier. Et comment ne pas songer à l'auteur de cette citation, lui, l'un des plus grands amoureux du corps féminin de la littérature, dont les expériences innombrables ont inspiré toutes ses oeuvres sans exceptions, des plus poétiques aux plus pornographiques ? Si nous savions comment baisait Platon, notre regard sur sa philosophie en serait profondément altéré, je n'en doute point ; mais, sur ce sujet, nous devons nous contenter de plaisantes et fantasques rêveries.

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