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Scolies
11 mai 2012

CCXVIII

Ne t’inquiète pas de la manière dont je t’aime, je l’ignore tout le premier, seulement, je sens que retirer le nom d’amour à cette affection serait dire un blasphème.

– Georges Sand

Veronese___Allegory_of_love_Happy_union

Amour, mot vague et beau. Sa signification trouble inquiète et décourage parfois les hommes de l'employer. L'amour est le plus sacré des mots ; on a des gestes de vénération pour lui. Écrire notre amour sur un arbre ou sur une feuille n'est point un acte anodin ; l'amoureux aime à se répéter son amour sous toutes ses formes, et le fait même de voir écrit quelque part le signe de son amour fait de lui le plus heureux des hommes. Écrire que l'on aime quelqu'un, sans même attente de réciprocité, c'est cultiver son amour. L'amour croît dans la solitude. Il n'y a pas que l'être aimé qui émet des signes pouvant être interprétés comme des signes d'amour, il y a l'amoureux lui-même, qui cultive avec bonheur cet art des signes d'amour, et ne s'en lasse pas. L'amour de l'amoureux est toujours nouveau ; à chaque fois qu'il se dit qu'il aime, il s'étonne et trouve une nouvelle source de joie. L'amoureux est celui qui ne se lasse jamais de son amour.

Les affections humaines se confondent en un ordre toujours incertain. Il y a un mystère dans la passion amoureuse réciproque, en cette pensée d'un hasard ayant fait se réunir deux êtres dissemblables éprouvant le même sentiment. Sans doute, l'amour encourage l'amour, et les signes d'amour émis concourent pour une grande part à attirer l'amour de l'autre ; mais le mystère de cette magique union des affects demeure. Néanmoins, l'expérience fait le plus souvent voir des amours partagés qui prennent des formes différentes, ce qui, chose admirable, ne nuit pas toujours à l'épanouissement réciproque de cet amour. L'un aime passionnément, est agité d'un vif désir physique, d'un désir d'union total, tandis que l'autre éprouve de la tendresse, sans répulsion mais également sans attirance ardente pour le corps de l'autre, une tendresse tranquille qui différe de l'exaltation passionnée ; d'où parfois le besoin de mettre les choses au clair, et de réserver le mot amour pour le premier affect, et de se contenter de celui de tendresse pour l'autre. Pourtant, c'est bien d'amour dont il s'agit ; dans les deux affects, il y a cette sympathie des âmes faisant de la présence de l'autre une joie sûre, ainsi que ce puissant mouvement de réhaussement de l'aimé, qui se reflète en même temps dans l'amant. Consuelo aime Albert, quoique différement de celui-ci ; et toute la beauté de leur relation est dans cette différence dont triomphe l'amour, victoire grande entre toutes prodiguant la foi salvatrice. Ne point appeler amour cet amour, qui est un véritable amour, serait bien dire un blasphème.

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