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Scolies
21 juin 2012

CCLIX

Le concret de l'intuition est une totalité, mais seulement la totalité sensible – une matière réelle dont les constituants sont seulement juxtaposés dans l'espace et le temps : cette absence d'unité du divers qui caractérise le contenu de l'intuition ne devrait pourtant pas lui être imputée comme un mérite et une supériorité sur l'intelligence.

Hegel


      Bam ! Merci Hegel ! Ça, c'est dans la gueule des phénoménologues pompeux et obscurs qui prétendent retrouver le contact avec l'être brut, se gorgeant d'une intuition magique et attaquant injustement, jalousement, les connaissances irréfutables de la science positive. Ne pouvant espérer rivaliser avec la rigueur et l'étendue des connaissances des savants, certains philosophes, vers la fin du XIXème siècle, se sont mis à voir le scientisme un peu partout, à craindre la mort de la philosophie, et surtout à se sentir attaqué dans leur amour-propre de philosophe ; cherchant à trouver une nouvelle légitimité à leur activité, désirant absolument se démarquer des sciences qu'ils ne peuvent s'empêcher de mépriser, ils ont couru vers l'immédiaté de l'intuition, vieil Éden qui se veut concret, mais qui est d'autant plus abstrait et vague qu'il est plus fantasmé que réel.
     La phénoménologie, en essayant de retrouver le contact de l'être brut par les moyens les plus insupportables du langage, en inventant une prose empesée incompréhensible pour le commun des entendements humains, en créant des concepts pédants ne servant qu'à exprimer en un grotesque galimatias des vérités banales, s'est condamnée à être à la fois ridicule et hautaine, qualités qui ne furent évidemment pas sans l'aider à gagner l'estime et l'intérêt des universitaires. Le nombre d'articles, de mémoires, et de thèses qui ont été écrites en un siècle pour démêler un sens dans livres emmerdants d'Husserl doit être effarant ; mieux vaut ne pas y songer. 
     Avec Hegel, on remarque avec une profonde acuité que l'intuition séparée de l'intelligence ne peut apporter aucune connaissance véritable. En effet, c'est par l'intelligence que nous lions les choses entre elles, que nous analysons le réel, c'est-à-dire que nous le décomposons, nous établissons des différences au sein de la totalité dans le but d'ordonner rationnellement ce contenu et d'en former une connaissance solide. Sans l'intelligence, sans la science, le contenu de l'intuition ne peut que demeurer dans une imprécision improductive, dans une indétermination dont on ne peut rien tirer d'intéressant. Les phénoménologues ont décidé de penser à l'envers : ils eurent l'extravagance d'essayer vainement de se détacher de la science pour retrouver un contact immédiat avec le monde, alors qu'au contraire, le seul et unique chemin qui vaille est celui allant de l'intuition, de l'expérience sensible, jusqu'aux abstractions de la science, c'est-à-dire jusqu'à la véritable connaissance des choses. La clique insupportable des phénoménologues ne se rend ainsi visiblement pas compte qu'elle ne peut que produire un résultat mille fois inférieur à celui des arts, qui eux parviennent de fait à s'émanciper des concepts pour parvenir à leurs fins. Si l'on veut retrouver le contact immédiat avec le monde, où je ne sais quelle autre foutaise, il est pourtant évident qu'il vaut mieux pratiquer la littérature, la poésie ou la musique plutôt que de se taper les illisibles torchons philosophiques des phénoménologues. 
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