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Scolies
26 juillet 2012

CCXCIV

 Il est tout aussi agréable d'écouter la musique qu'il est déplaisant d'en entendre parler. 

– Lichtenberg

Le commentaire musical n'intéresse personne. La lecture de Schopenhauer aide à comprendre pourquoi : la musique dépasse le langage ; à proprement parler, on pourrait dire qu'elle est alogique. Ici, plus qu'ailleurs, le plaisir esthétique, et peut-être même la compréhension esthétique, est sans concept. C'est réduire la puissance de la musique que de l'abaisser à une quelconque suite de caractéristiques, à une narration, à une histoire, ou à n'importe quoi d'autre ; la musique est au-delà des catégories du langage, car elle relève de la pure sensibilité. Je fus de nombreuses fois déçu en lisant les commentaires de musicologues sur certains préludes de Chopin cher à mon coeur ; dans leur langage recherché, je ne retrouvais jamais mon bonheur d'écouter. Même l'histoire de la musique, pourtant assez intéressante dans ce qu'elle engage de liens avec la civilisation tout entière, est moins passionnante qu'on ne se l'imaginerait. Désormais, plutôt que de lire un ouvrage volumineux sur l'évolution de la musique, je me contente d'écouter en sachant un minimum le contexte de la musique, maigre connaissance qui s'avère amplement suffisante pour le bonheur de mes oreilles. Monteverdi, qui a mes faveurs en ce moment, a composé dans cet extrait l'un des plus beaux duo de tous les temps. On pourrait faire mille développements sur cet air, non seulement des développements plus ou moins pédants de musicologie, car on voit bien ici comment l'émotion est transmise d'une manière radicalement différente d'un opera seria du XIXème siècle, mais également des développements plus généraux sur l'amour, la profondeur de la correspondance entre le dialogue amoureux et la musique, etc. Mais à quoi bon tout ce bavardage ? Il est déjà vain de commenter une madone de Raphaël ou même le Lys dans la Vallée ; toutes les oeuvres de génie se suffisent à elles-mêmes et contiennent en elles toute leur puissance. Il faut toujours en revenir à Kant et à l'universalité sans concept. Le silence est le plus respectueux et le plus efficace des réceptacles de l'art véritable. Je suis de plus en plus persuadé que notre tâche n'est pas de commenter les grandes oeuvres, mais plutôt de diriger l'attention vers celles-ci et d'en faire des sources intarissables de profondes sensations et pensées pour notre épanouissement personnel. La belle oeuvre est toujours assez claire par elle-même ; c'est sur l'individu qu'il faudrait travailler, pour lui permettre de  hisser progressivement sa sensibilité et son goût au niveau des hautes exigences du génie, difficile tâche. Notre mission se résume en deux mots, pas plus : faire aimer.

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