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Scolies
24 juin 2012

CCLXII

Être avec des gens qu'on aime, cela suffit ; rêver, leur parler, ne leur parler point, penser à eux, penser à des choses plus indifférentes, mais auprès d'eux tout est égal. 

– La Bruyère

lenainfamilleheureuse

Lorsque nous faisons connaissance avec quelqu'un, nous nous sentons obligés de lui parler, de tenir des propos intéressants, d'avoir une conversation ininterrompue ; les moments de silence sont craints, comme si c'était une offense de montrer que nous n'avons rien de particulier à dire. C'est l'une des raisons pour lesquelles la présence d'un inconnu avec qui nous sommes obligés de sympathiser est contraignante et fastidieuse ; nos paroles sont forcées, les sujets de discussions artificiels, et cela se voit. Ceux qui n'aiment pas aborder les inconnus ou se faire présenter à quelqu'un sont peut-être avant tout des personnes qui sent trop ce combat désagréable contre le silence, qui vient si naturellement.

Heureusement, tout est différent avec les êtres que nous connaissons et que nous aimons. Avant tout, la familiarité et la complicité remplacent les obligations artificielles et le respect ennuyeux : avec nos proches, nous pouvons nous laisser librement aller à notre naturel, et cette liberté dans l'abandon de soi est sans doute ce qui permet de distinguer nos simples connaissances de nos amis véritables. Avec eux, la conversation n'est jamais forcé ; lorsque le silence s'impose, nous le laissons paisiblement s'installer ; et nous sommes bien, simplement. Ce que l'on ne comprend pas toujours, et qui est pourtant vérifié tous les jours par l'expérience, c'est que l'amour ne se situe pas dans l'intérêt que l'on trouve à la conversation, et que ce n'est pas parce que quelqu'un est utile ou instructif que nous allons nous mettre à l'aimer. Par ailleurs, l'expression de l'amour et du bien-être se passe très bien des mots, ce qui est visible dans les bonnes familles, dans les familles heureuses, où l'on voit que la présence de l'autre vaut en tant quel tel, sans souci d'intérêt ou de quoi que ce soit d'étranger à la personne elle-même. L'amour se contente de présence et se moque des beaux mots.

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