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Scolies
23 juin 2012

CCLXI

— Joséphine, je voudrais avoir le temps comme avant.

— Le temps de quoi ?

— Le temps, pas plus. Je veux dire que maintenant il y a toi.

— Tu n'as plus envie de moi ?

— Si.

— Tu ne m'aimes plus ?

— Si, je t'aime, mais ce qu'il faut savoir, Joséphine, c'est qu'autour de nous, il y a, malgré tout, le monde tout entier.

– Jean Giono

L'amour cherche le temps et la solitude. Les amoureux s'enferment volontairement en des mondes clos, dans lesquels les petites histoires de l'extérieur ne les atteignent pas et où ils peuvent se consacrer pleinement à leur amour. Dans Roméo et Juliette, la célèbre scène où les amants regardent l'aurore, triste signe du départ, fait voir cette double exigence de l'amour, d'être à la fois isolé du monde et riche d'un temps infini pour se consacrer à l'autre et au développement des sentiments.

Le monde extérieur ne s'abolit point. Jamais les sentiments ne triomphent du monde ; c'est le drame de tout amour passionné. Toujours des contre-temps, des contingences envahissantes, des ouvertures imprévisibles : le monde clos se fissure, et le cocon des amoureux ne persiste jamais longtemps. La femme, être de l'intérieur, symbolisée par le gynécée et la position de ses organes génitaux, accepte beaucoup moins ce fait que l'homme, être voué à ne jamais s'arrêter, à chasser dehors, à se mouvoir dans le monde, toujours en quête d'un nouvel objet de désir. Cet instinct aventureux propre à l'homme, la femme cherche à le réfuter et à l'inhiber ; les plus naïves, comme Joséphine, ne comprennent même pas. Il est bien rare que l'homme préfère s'enfermer de son propre gré, et pour longtemps, dans le monde clos de l'amour, en rejetant sa tâche de chasseur, en oubliant son désir d'aventure : même en nos temps de féminisation malsaine, l'homme trouve des échappatoires, il crée des ouvertures : l'homme moderne, enfermé dans son appartement et dans le coeur de sa concubine, jouera aux jeux-vidéos, partira en des mondes étrangers dans lesquels il peut combattre des monstres, accomplir des quêtes, dialoguer avec ses semblables, et être, en somme, loin de la femme. Dans les couples, à peu près toutes les disputes s'expliquent par ce désir irrépressible de l'homme à s'en aller agir hors du monde clos, façonné et choyé par la femme. Cette tension inévitable est la condition de survie du couple, car de deux choses l'une, ou bien l'homme, électron trop libre, s'en va errant dans le monde extérieur au point de négliger et oublier la femme, ce qui tue l'amour, ou bien la femme, forte de son influence, parvient à faire demeurer l'homme dans l'amour, ce qui est un poison lent mais sûr dont les principaux ingrédients sont l'ennui, la lassitude, la monotonie et la léthargie. Ainsi, Solal et Ariane, enfermés amoureux en leur monde clos, font mourir leur amour et eux-mêmes en deux ans de vie commune.

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Commentaires
O
Bonjour <br /> <br /> je découvre votre site.<br /> <br /> Et je le trouve excellent..<br /> <br /> Dans sa présentation dans son contenu<br /> <br /> Je ferai des commentaires à mon niveau bien sûr.<br /> <br /> Je découvre la philosophie...<br /> <br /> Pour l'instant l'heure est aux congratulations....<br /> <br /> Enchanté de faire votre connaissance
Scolies
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