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Scolies
9 octobre 2011

III

Ceux qui emploient mal leur temps sont les premiers à se plaindre de sa brièveté.

– La Bruyère

 StillLifeWithASkull

Nous perdons plus de temps à pester contre le temps qu'à s'accommoder avec lui. Il semble vain et stupide de le dire, tant cela est évident, mais cela n'est pas un argument contre la vérité de cette affirmation : il faut prendre et non pas attendre les heures ; il faut agir et non pas contempler minutes ; il faut apprécier et non pas cracher sur les secondes. Que le temps, dont nous pouvons d'ailleurs douter de l'existence objective, apparaîtrait alors comme un décor nécessaire, un paysage se mouvant agréablement ! La lourdeur de maintes existences provient de la pesanteur propagée par la perception altérée du quotidien : on voit des fardeaux qui ralentissent au lieu de voir des obstacles qui poussent ; on se crée des entraves imaginaires au lieu d'explorer les chemins ouverts. L'absence de temps est un délire de l'imagination ; la philosophie devrait tâcher d'éradiquer cette folie.

La maîtrise du temps n'est pas un art métaphysique ; c'est un art concret, accessible à tous ; et le peuple en fournit la démonstration tous les jours. Chacun peut apercevoir ces hommes qui se lèvent avec leur soleil, marchent vers leur horizon, se couchent vers leur sommeil : ces hommes accomplissent leur vie. Il n'y a pas d'emploi du temps objectif et universel ; une bonne journée est une journée remplie, pleine d'activité : le détail du contenu est un autre problème. Il faut admirer la prestance des hommes qui n'hésitent pas, qui méprisent l'irrésolution, et dont chaque instant est un bon en avant ; ce sont ces personnes qui maîtrisent leur temps, c'est-à-dire qu'ils ne sentent pas la temporalité comme une oppression : ils font ce qu'ils savent devoir faire sans médiations inutiles. L'homme pressé n'est rien d'autre qu'un homme débordé de médiations et qui infligent celles-ci à autrui.

L'exemple du temps montre que la philosophie pratique a une théorie d'une extrême simplicité ; l'abstraction n'est pas de mise ici ; le bon sens, la faculté de saisir rapidement le concret, est ici la principale qualité. Les règles de la prudence sont simples ; c'est leur mise en application qui pose problème. Les anciens le savaient, et pratiquaient pour cela des exercices spirituels dont il faudrait nous inspirer : si nous prenions, chaque jour, le temps de méditer et de concrétiser nos belles idées, nos existences prendraient un chemin qui serait assez proche de celui de la sagesse. Nous avons besoin d'exhortations pour nous pousser à l'action droite ; nous devons trouver les forces motrices là où elles le sont ; et, surtout, se lever, marcher, se coucher, sans nous perdre dans les plaintes. Le ressentiment est une lenteur à éliminer.

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