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Scolies
21 octobre 2011

XV

Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine.

 Du Bellay

 The_Roses_of_Heliogabalus

Ce vers est en quelque sorte ma devise. Je me le répète souvent. Si nous nous laissons porter par le vers, une multiplicité d'idées viennent à nous ; si nous nous laissons effleurer par les images suggérées, ce sont des sensations, des situations imaginaires mais concrètes qui s'infiltrent dans notre esprit. La vérité, c'est que la civilisation est toute envahie par le marbre dur ; nul besoin de le chercher loin, il est partout, dans tous les recoins. L'ardoise fine est notre repos, notre exil, notre ligne de fuite ; et elle est plus rare que l'on croit. La société, l'ensemble des institutions, la majorité des caractères humains favorisent l'engeance dure ; ce sont les esprits isolés, libres, les hyperboréens qui font s'épanouir la délicatesse et la finesse. Ainsi, l'école, est presque toujours faite de marbre dur ; seuls des individus puissants et rares parviennent à faire de ce lieu cette fontaine légère que nous désirons, où tout coule rigoureusement sans pesant esprit de sérieux. La foule est dure ; le peuple est dur ; la rue est dure. Les cercles difficilement constituées, les présences intuitivement comprises, les sympathies imperceptibles, qui nous font glorifier le hasard ou la destinée, qui font allègrement rouler notre âme sans ennui, sans touche de médiocrité – ces petites chaumières là sont faites d'ardoise fine.

Nous pourrions longtemps continuer l'énumération, essayer de classer la quantité d'édifices insipides en marbre dur et compter, et chercher, avec l'énergie de la tendresse, les clairières légères qui font notre bonheur ; ce serait vain. Nous devons simplement sentir que les deux existent et essayer de cultiver l'ardoise fine plutôt que le marbre dur, sans recette, sans chemin programmé – ce qui serait précisément construire avec du marbre un faux devenir... Car oui, c'est le devenir qui est l'ardoise fine ; non pas le futur, non pas le plan, le projet, mais le devenir, la puissance imprévisible de la vie. La vie, c'est de l'ardoise, Ferdinand !... Et il ne faut pas écouter les pleutres qui se réfugient dans le marbre – oh non, il faudrait même le casser, ce marbre qui étreint, qui pèse, qui enserre notre être. Soyons de la dynamite pour tous les marbriers de la terre ! Que l'arme qui brisera nos ennemis soit elle-même légère et fine ; qu'elle soit gravée du sceau de l'approbation... La malédiction du marbre dur, c'est qu'elle fabrique un système âpre et clos. La force de l'ardoise fine, c'est qu'elle laisse de la place pour des axes d'intensités créatifs.

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