Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Scolies
22 octobre 2011

XVI

Ne pas aimer, quand on a reçu du ciel une âme faite pour l'amour, c'est se priver soi et autrui d'un grand bonheur. C'est comme un oranger qui ne fleurirait pas de peur de faire un péché ; et remarquez qu'une âme faite pour l'amour ne peut goûter avec transport aucun autre bonheur.

 Stendhal

Paul_Cezanne_Nature_morte_aux_pommes_et_aux_oranges_25117 

Les entraves à l'épanouissement sont partout. Personne ne le nie, la société est avant tout répression, ce dont il ne faut pas s'indigner ; elle cherche à ralentir les tendances particulières, à réguler les hommes selon ses propres codes : telle est la logique inévitable de la société. Il est vrai que des hommes ne sont pas faits pour l'amour ; ils ne sont pas faits pour s'abandonner ; ou plutôt, ils le peuvent, mais rarement – une fois, l'abandon, pas plus ! Une fois, ça nous a suffit, qu'ils disent ! Ils ne sont pas avides d'autres amours ; le désir s'exprime faiblement en eux, ou bien dans d'autres sphères, souvent plus sûres que celle de l'amour.

Trop d'hommes renoncent et reculent. Non par honnêteté, non pas amour du Bien, par volonté de s'inscrire dans l'harmonie des mœurs, mais par crainte : crainte du danger, des difficultés, de la violence des relations humaines qui s'entrechoquent comme lorsque nous courons dans la foule serrée. Dieu est mort, mais son cadavre bouge encore ; le péché est encore vivace ; il réagit à différentes valeurs, à différents interdits, mais à n'en pas douter, il n'est pas annihilé. La conscience morale est tout aussi puissante aujourd'hui que dans les siècles précédents, mais nous avons changé d'idéologie morale. Une certaine vision de l'amour, n'est plus tolérée de même qu'on ne tolère plus la pudeur, le secret, le voile ; tout ça est lié.

Fleurissez, orangers ! Qu'aucune morale, qu'aucun système de jugement ne viennent ralentir votre floraison, votre épanouissement violent et beau et insouciant, votre bonheur innocent. Il ne faut jamais aller contre sa nature. L'homme n'est malheureux que dans la mesure où il n'assume pas sa nature, où il ne porte pas de toute son âme ses désirs ; il renonce à l'unicité de son être, à ce qui fait sa valeur ; il renonce à augmenter sa puissance. Ne jamais renoncer à augmenter sa puissance ; car toute augmentation de puissance est joie innocente. Aimons sans entraves ; ce qui ne veut pas dire aimer sans obstacles, sans difficultés, mais aimer sans laisser le germe des sentiments anéanti par des institutions, par une quelconque moralité des mœurs. La seule chose à écouter, et c'est là la seule sagesse véritable, c'est la puissance qui veut se développer en nous ; le reste est fumisterie de faibles. Interdir d'aimer qui a le cœur vaste, énergique et créateur, c'est tuer une kyrielle de possibilités de bonheur – c'est moche ! Qu'ils s'en aillent, ceux qui bloquent notre floraison ! Le vent doit aller où il veut.

J'ai commencé par aimer Stendhal, qui, parmi quelques autres, m'a libéré de la crainte d'agir ; c'est le premier grand pas ; ensuite, il faut suivre, sourire approbateur au visage, le rythme difficile de la vie, la contempler se jouer de nous et essayer, à notre tour, de se jouer d'elle – suprême moyen pour la bénir !

Publicité
Publicité
Commentaires
Scolies
Publicité
Archives
Publicité