Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Scolies
8 novembre 2011

XXXIII

Un homme dont les biens font toutes les vertus

Ne peut être estimé que des cœurs abattus.

Corneille

 adorationofgoldencalfpo

Pourtant, aujourd'hui la foule ne célèbre (et c'est un euphémisme) que les grands propriétaires, qu'ils soient entrepreneurs, artistes, ou sportifs : elle n'admire presque jamais sincèrement ce que ces personnes ont pu faire, mais ce que celles-ci possèdent ou représentent. C'est ça, être fan de quelqu'un, remarquable expression qui a le mérite de la clarté. Indépendamment du problème de l'anachronisme, on n'imagine mal Platon se dire fan de Socrate...

Les sociétés qui glorifiaient la vertu, mot en voie de disparition, ne sont pas une légende ; elles ont existé, ces sociétés, et nous pouvons heureusement encore observer leurs ruines superbes. Les mots employés officiellement par une société ne sont pas anodins, et permettent de comprendre des changements profonds : le fait qu'on ne puisse plus utiliser le mot de vertu sans passer pour un vieux réac est éloquent. Nous ne disons pas à nos enfants «sois vertueux ! » mais « sois gentil ! », ce qui est révélateur de l'éducation d'aujourd'hui, de l'idéal que nous souhaitons donner à la jeunesse, aux citoyens futurs...

La distinction faite par Schopenhauer dans ses Aphorismes sur la sagesse dans la vie entre ce que l'on est, ce que l'on a, et ce que l'on représente nous permet à cet égard de nous apercevoir de la confusion qui règne dans la plupart des esprits. Les cœurs abattus sont nombreux, et rares sont ceux qui aiment, respectent ou admirent un être pour ce qu'il est ; à vouloir considérer un individu selon ce qu'il possède ou selon ce qu'il représente, on rate tout de sa valeur véritable, on saute à côté de l'essentiel. L'expression « cœurs abattus » me frappe beaucoup ; c'est insister non pas tant sur l'absence de vertu d'un homme, mais sur la soumission triste des autres à cet homme : là est le problème intéressant. Quelqu'un qui admire un homme uniquement pour ce qu'il a est nécessairement un homme qui ne croit pas à la vertu, qui envie celui qui possède, et qui, en somme, ne peut qu'être blasé, mou, sans idéal fécond : c'est un médiocre qui ne se botte pas le cul et l'âme pour avancer ; en s'intéressant égoïstement à ce qu'il pourrait avoir, il néglige la part la plus profonde de lui-même. La faiblesse des hommes se voit aux idoles qu'ils vénèrent.

Publicité
Publicité
Commentaires
Scolies
Publicité
Archives
Publicité