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Scolies
14 décembre 2011

LXIX

Lever matin n'est pas bonheur ;

Boire matin est le meilleur.

Rabelais

 banquet_still_life

Parbleu, que j'aime la vision de la vie contenue là-dedans ! Les anciens Grecs (les seuls qui valent) se levaient peut-être tôt, mais leur petit-déjeuner consistait à tremper du pain dans du vin : voilà un rituel quotidien pour bien commencer la journée, sans doute plus efficace qu'une série de pompe avant l'aurore ou qu'une séance de petit grec matinale... Les Grecs, Rabelais, et l'ensemble des hommes heureux de ripailler à toute heure de la journée, à ce qu'il paraît, n'étaient pas, ô infamie, ô honte de l'humanité moderne, diététiquement correct !... Ils ne respectaient pas leur corps, les inconscients ! Ils ne se préoccupaient pas de la santé ! De la longévité ! Aucune décence, les porcs ! Ah ! Ils étaient fous ! Mais nous autre modernes avons inventé la santé ! Nous avons trouvé les clefs de la longévité ! Et nous avons inventé les chemins du bonheur ! Notre hédonisme à nous est doux, tout doux, tout sage ! Et rentable en plus ; nous jouissons au nom de la la croissance !

Je mets des points d'exclamations, mais c'est que les arrogants apôtres de la diététique sont aujourd'hui bien plus violents et oppressifs que les bien-pensants de la politique, bien que les deux ne fassent le plus souvent qu'un ; c'est une engeance à combattre. Que périssent les coincés et les hygiénistes ! Voilà notre seule diététique !...

Le vin, le pain, et le fromage seront toujours pour moi plus essentiels à mon bonheur, à mon épanouissement, à ma puissance, à ma vertu, à ma perfection (longue équation spinoziste !) que tous les livres du monde. La culture, c'est d'abord la terre et ses nourritures ; le reste ne vient qu'ensuite. Ce qu'il y a de beau, c'est que la culture de l'esprit s'accorde merveilleusement avec la culture du corps ; ce qui est laid, c'est la cohorte des rabats-joies venant séparer les deux, comme s'il y avait d'un côté les esprits purs, supérieurs, ardents et de l'autre les faibles et vulgaires pourceaux n'aimant que la chair ! Qu'on entende donc Rabelais ! Qu'on relise le Banquet de Platon ! Là est l'humanisme vivant ! Je tiens à l'innocence du devenir de Nietzsche ; mais il est maintenant temps d'innocenter la picolade et la ripaille, ce que Nietzsche s'est bien gardé de faire, lui qui ne supportait pas l'alcool et encore moins le tabac : Rauchen kann tödlich sein ! (Et ce pauvre myope coincé maladif et suicidaire serait dionysiaque ? Mon cul !). L'alcool met de bonne humeur ; la bonne humeur conduit aux bonnes actions ; les bonnes actions conduisent au paradis ; et le paradis, c'est le bonheur éternel : buvez donc en paix le sang du Christ ! Et enfin que les diététiciens modernes lisent ce définitif poème de mirliton de Philippe Muray, d'une autre volée que la poésie poétique des poètes sérieux, il leur est adressé :

 

Lâche moi tout

 

Fous-moi donc la paix

Avec la santé

Si je veux crever

Je t'ai rien demandé

 

Lâche-moi maintenant

Lâche-moi vraiment

Lâche-moi tout le temps

Lâche-moi réellement

 

Gros con malfaisant

Lâche-moi vraiment

On t'a rien demandé

Rends-moi mes amphés

 

Laisse-moi mes vices

Rends-moi mes délices

Mes Boyards maïs

Civilisatrices

 

Rends-moi mes Gitanes

Sans filtre et sans reproche

Et que Dieu te damne

Ou bien qu'il t'embroche

 

Tu pues le respect

Et tu pues la haine

Va donc t'occuper

De ta mort prochaine

 

Tu ne survis plus

Qu'en te croyant beau

De ne fumer plus

Tu es un corbeau

 

Lâche-moi localement

Lâche-moi totalement

Lâche-moi carrément

Lâche-moi pleinement

 

Tu es le vautour

Du Social sacré

Qui voltige autour

De ma liberté

 

Tu as bonne mine

Avec ta bonne mine

Ta connerie divine

Qui crie famine

 

Je t'ai rien demandé

Veux-tu décamper

Depuis trop longtemps

Tu me nuis gravement

 

Rends-moi mes plaisirs

Qui me regardent seul

Je n'ai pas désir

De ta très sale gueule

 

Occupe-toi de toi

T'occupe pas de moi

Quand je suis sans toi

Je suis comme un roi

 

Lâche-moi premièrement

Lâche-moi deuxièmement

Lâche-moi troisièmement

Lâche-moi tout le temps

 

Je suis sans effroi

Quand je suis sans toi

Je suis sans pourquoi

Je n'ai jamais froid

 

Je suis sans émoi

Quand tu n'es pas là

Tu menaces ma foi

Par pitié tais-toi

 

Va-t'en choléra

Laisse-moi ma santé

Je t'appartiens pas

Va te faire torcher

 

Je ne partage pas

Tes buts sur la terre

Je ne souhaite pas

Des vieux os y faire

 

Surtout avec toi

Ce sera sans moi

Je ne demande pas

D'aide humanitaire

 

Lâche-moi simplement

Lâche-moi purement

Lâche-moi brusquement

Lâche-moi subitement

 

Restitue-moi tout

J'ai rien réclamé

Redoute mon courroux

Rends mes voluptés

 

Mes psychotoniques

Et mes narcotiques

Et mes antalgiques

Très béatifiques

 

Et mes stimulants

Psychostimulants

Anorexigènes

Qui effacent la peine

 

Ceux du tableau B

Ceux du tableau C

Substances toxiques

Des plus sympathiques

 

Et tous les dopants

Et les stupéfiants

Et tous mes élans

Et les neiges d'antan

 

Lâche-moi gentiment

Lâche-moi salement

Lâche-moi méchamment

Lâche-moi totalement

 

Tu portes malheur

Avec ton bonheur

Ton précautionneux

Abus dangereux

 

Oublie-moi Ducon

Mets-toi bien profond

Toute ton obsession

De la protection

 

Va donc te faire mettre

Va te faire omettre

Te faire oublier

Arrête de faire chier

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Commentaires
D
"Car c'est dans l'échec seul que la liberté vit<br /> Et toute réussite bientôt l'anéantit."<br /> <br /> (P.M.)<br /> <br /> Pas faux non plus.
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