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Scolies
14 janvier 2012

C

L'impossible est une mauvaise volonté travestie en destin.

– Jankélévitch

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Je ne supporte plus ceux qui s'abritent derrière les innombrables masques de la fatalité pour légitimer leur faiblesse. À mesure que je prends conscience de la force de l'homme, je méprise toutes ces larves humaines résignées d'avances. Nul ne peut toujours être à l'abri de la lâcheté, et encore moins de la faiblesse ; l'espèce humaine, il est vrai, doit parfois être traitée avec indulgence ; mais ce qui est intolérable, ce sont ces rampantes créatures, ces infamantes déformations de l'homme qui voilent leur couardise derrière des beaux mots, derrière une nécessité entièrement fabriquée pour excuser leur comportement de tchandala. Ils sont des hommes, et ils espèrent nous faire croire qu'ils sont des huîtres ; ils sont des êtres vivants, créateurs, puissants, et ils veulent nous persuader qu'ils ne sont que des êtres mécaniques, entièrement soumis aux rencontres extérieures, comme s'il fallait s'adresser à Dieu, à la Fatalité, à la Nature ou autres fabricants industriels officiels pour se plaindre de l'innefficacité et du dysfonctionnement de ces malchanceux mauvais produits. À les écouter, tout est prévu d'avance, le monde est fixe, la vie suit toujours sa route prévisible et si les choses ne sont pas autrement, c'est qu'il était impossible qu'elle soient autrement. Ils brandissent l'impossible dès qu'on leur demande un effort quelconque, dès qu'on leur conseille d'apaiser une passion, dès qu'on exige d'eux une action qu'ils n'ont pas l'habitude de faire. L'histoire de l'humanité est faite d'actions inhabituelles et imprévisibles ; et tous les grands événements de l'histoire ne sont que des actions qui semblent impossible. Pourtant, Jules César franchit le Rubicon. Il faut avoir la hardiesse de dire que tous les hommes peuvent franchir, si ce n'est pas le Rubicon, du moins leur Rubicon ; ils peuvent, s'ils le veulent, gagner leurs guerres médiques ; il y a un Léonidas en chacun de nous ; pour tous, une victoire d'Auzterlitz est possible.

Sauf éventuellement si vous êtes avec une femme aigrie et dangereuse, ne dites pas : "je ne peux pas faire le repassage", mais dites : "je ne veux pas faire le repassage". Car, si nous sommes sincères, nous admettons tous que nous pouvons le faire, si nous le voulons ; du moins, nous pourrions apprendre à le faire, ce qui revient à pouvoir le faire ; l'idée ici est que la plupart des actions, si l'on y songe, ne sont pas si différentes de l'acte de faire le repassage. La différence est moins qualitative que quantitative ; il y a des actions qui nécessitent de plus haut de degrés de volonté que d'autres.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser un peu hâtivement, il ne s'agit pas ici d'un conflit entre le déterminisme et la liberté. Prenons garde à ne jamais confondre déterminisme et fatalisme. Spinoza, quoiqu'il ne cesse d'insister sur le caractère nécessaire de toute chose, démontre les grandes capacités de l'homme ; on sent sa confiance dans l'être humain ; il veut inciter les hommes à toujours ordonner mieux les rapports, à augmenter leur puissance et leur perfection. La mauvaise volonté n'est pas déterministe, elle est fataliste ; la différence est radicale, et c'est ce qui explique pourquoi nombreux sont les déterministes qui incitent l'homme à agir, alors que tous les fatalistes l'exhortent à passivement attendre que les événements se produisent. La vie de Spinoza elle-même est une démonstration de ce point : s'il avait été fataliste et s'il s'était caché derrière l'impossible ou la nécessité toute puissante, il ne se serait pas révolté contre sa communauté par amour pour la vérité et il n'aurait pas risqué sa vie pour écrire de complexes livres destinés à l'opprobre public. 

J'ai souvent observé que ceux qui échouaient dans leurs projets ne voulaient pas vraiment la réalisation de ceux-ci. Cette absence de volonté explique bien des échecs ; la mauvaise volonté, quant à elle, explique de nombreuses aigreurs, contre soi et contre les autres. N'attendons point que le Rubicon ne vienne à nous ; allons-y, et franchissons-le.

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Commentaires
D
Le plaisir aussi explique bien des échecs... Il y a peut-être là-bas une bonne volonté "contraire" qui démontre de façon éclatante l'état des lieux... Qui sait ?
Scolies
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