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Scolies
4 avril 2012

CLXXXI

Car pour exemple, qu'est-il plus vain, que de vouloir deviner Dieu par nos analogies et conjectures : le regler, et le monde, à nostre capacité et à nos loix ? et nous servir aux despens de la divinité, de ce petit eschantillon de suffisance qu'il luy a pleu despartir à nostre naturelle condition ? et par ce que nous ne pouvons estendre nostre veuë jusques en son glorieux siege, l'avoir ramené ça bas à nostre corruption et à nos miseres ?

– Montaigne 

AverroesPythagoreJaune


Ils sont beaux à voir, tous ces théologiens, métaphysiciens, onto-théologiciens, avec leur prétention à tirer Dieu des hommes, c'est-à-dire d'eux-mêmes. La manière dont les philosophes ont exploité le procédé douteux de l'analogie pour essayer avancer dans la connaissance de Dieu est un formidable exemple de la subtilité dont l'homme est capable pour parvenir à ses fins ; et l'histoire de la métaphysique fait bien voir que, plus que la vérité, c'est la consolidation, par tous les moyens possibles, de ses vérités que l'homme recherche. Comment en serait-il autrement, une fois que l'on s'est aperçu, par exemple, que la plupart des grands théologiens et métaphysiciens, de Thomas d'Aquin à Heidegger, ont multiplié les délires d'interprétation au sujet de la Métaphysique d'Aristote, s'efforçant obstinément voir ce qu'ils désiraient y voir, ce qui est aisé avec un texte aussi elliptique et obscur que celui du Stagirite ? Et comment ne pas trouver ridicule cette façon de toujours faire passer une simple analogie permettant éventuellement d'éclairer et de rendre plus facilement compréhensible une réalité ou un concept, pour une prétendue inférence rigoureuse ayant l'ambition de faire connaître une hétérogénéité grâce à une soi-disant similitude de rapport ? 

Prétendre connaître Dieu devrait être encore plus scandaleux pour les croyants sincères que pour les athées ; il y a parfois davantage de ressemblance entre un sceptique et un croyant conscient de la faiblesse de sa raison, qu'entre ce même ce même croyant et le déiste qui, par des procédés aussi astucieux que tordus, a la prétention de démontrer l'existence de Dieu et connaître ses attributs. S'il est facile d'accepter la croyance, même naïve, en Dieu, il est beaucoup plus difficile de tolérer la présomption de ceux qui se gorgent de grands mots, de pompeux raisonnements dont la rigueur n'est qu'apparente, en prétendant sincèrement avoir avancé dans la connaissance de Dieu, alors qu'ils se sont contentés, avec beaucoup d'astuce, d'aligner des abstractions vagues et stériles dont les sceptiques et les esprits scientifiques se rient à juste titre. Le succès de la théorie de l'intelligent design m'effraie.

Même si Dieu ou une quelconque transcendance existait, il demeurerait, par sa nature même, invisible et incompréhensible. Au fond, la croyance la plus respectable en Dieu est celle de Pascal ; c'est la croyance qui est une foi :

"FEU.

DIEU d'Abraham, DIEU d'Isaac, DIEU de Jacob

non des philosophes et des savants."

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