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Scolies
3 mai 2012

CCIX

En festivosphère, l'homme est un chou pour l'homme. L'enfer n'est plus les autres.

– Philippe Muray

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Le citoyen moderne est fier de cette gentille inversion des valeurs qui donne de la confiance aux belles-âmes et aux victimaires. Le chef des chous, apparemment futur président de la République, ne cesse point de nous rassurer, de nous bercer de mièvres promesses de réconciliation, avec un ton si niaisement sérieux qu'il suffirait, sans même prendre garde à la signification de ses paroles, d'entendre sa voix et d'observer sa figure sans caractère quelques minutes pour mépriser et rire bien grassement de cet insipide fruit du festivisme. Toutefois, écoutons-le ; car nous aurons le bonheur de trouver dans ses paroles un admirable condensé de l'idéologie festiviste ; et si son discours n'était pas aussi flasque, je ne doute pas qu'on se poilerait encore davantage. Le traditionnel débat qui l'a opposé hier à Nicolas Sarkozy était, à ce titre, un véritable exposé des valeurs modernes qui font heureusement presque totalement consensus aujourd'hui. 

Premier point remarquable : l'empressement de l'énarque, qu'il serait sacrilège de qualifier de socialiste, à sauter sur la première occasion venue pour fièrement brandir le grand mot de justice. Ce sont des commandements : il nous faut une société juste ; nous devons rétablir la justice en ce pays : il n'y a rien de plus creux, de plus abstrait, de plus vide. La justice est peut-être le concept le plus important de la philosophie politique, et il n'y en a pas de plus maltraité dans le discours démocratique, qui réduit un concept à n'être qu'un slogan, ou une valeur inderterminée, ou un idéal qui ne chante même pas. J'aimerais voir un jour l'habileté de l'un de nos nombreux discoureurs à répondre à une question, qu'on ne leur pose jamais, aussi simple que celle-ci : qu'est-ce donc, au juste, que la justice ? Nous aurons alors la chance d'entendre les plus plates banalités sur le sujet ; plus encore que d'habitude, les phrases brilleront par le néant de leur signification ; et nous aurons une petite pensée pour Platon.

L'économie règne. Le politique est soumis à l'économie. L'essentiel du débat s'est résumé à une stérile querelle de chiffre qui ne dit rien des problèmes concrets des citoyens, ni des enjeux politiques réels, ni de quoi que ce soit d'intéressant : le politique s'est effacé devant le politicien. Heureusement que l'un d'entre eux devait attaquer et jouer l'impétueux, ce qu'il fit avec un art des bonnes formules que l'autre ne possède point ; sans cela, le débat, outre son manque d'intérêt politique, n'aurait pas même été amusant, et les cris épiques des spectateurs passionnés de rhétorique n'auraient point été aussi retentissants.

Le futur président de la république n'a point fait de pique digne d'être retenu, mais il a prononcé la plus éloquente phrase du festivisme, la plus authentique, celle qui a fait le plus de plaisir à l'ombre errante de Philippe Muray ; elle est à retenir : la seule valeur qui vaille aujourd'hui, c'est la jeunesse. Tout est dit là, et devant une telle formule, comme lorsqu'on est en face des plus beaux vers de la poésie, le silence s'impose. Les mots seront inutiles ; tout va se réconcilier.

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