Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Scolies
16 juin 2012

CCLIV

Il arrive que les maîtres, surtout jeunes, se plaisent à discourir ; et les élèves ne se plaisent pas moins à écouter ; c'est la ruse de la paresse. Mais nul ne s'instruit en écoutant ; c'est en lisant qu'on s'instruit.

– Alain

liseuse3

Cette remarque est la condamnation de l'apprentissage moderne, fondé entièrement sur l'oral et négligeant chaque jour davantage la lenteur bénéfique de la lecture. Il est bon que, grâce à Internet, l'accès aux cours et conférences d'hommes talentueux soit facilité ; mais ceci tend à rogner sur le temps jadis employé à la lecture silencieuse, solitaire, peu attrayante, mais laissant davantage de temps à la méditation personnelle. Toute véritable connaissance est personnelle. On ne peut point apprendre réellement quelque chose si l'on ne fait pas le chemin par soi-même, dans sa pensée ; et l'habitude d'avoir toujours un professeur à côté de soi pour nous indiquer, et parfois pour nous imposer un chemin à suivre, force notre esprit à s'accoutumer à ces béquilles imparfaites favorisant la paresse. Écouter des cours suffit pour avoir des bonnes notes et réussir à l'école ; mille exemples ne le prouvent que trop ; mais jamais les cours, aussi bon qu'ils soient, ne dispenseront de lire, c'est-à-dire de travailler en solitaire, avec sa seule tête, avec sa seule culture à disposition, son seul faible petit entendement manquant d'exercice. Lire, c'est oser faire le chemin seul ; c'est oser affronter les fortes exigences du deuxième genre de connaissance. Les Méditations métaphysiques est le modèle de ces grandes oeuvres qui obligent le lecteur à penser par lui-même ; et vraiment, qui pense comprendre Descartes en ayant suivi des cours sur son oeuvre mais sans avoir jamais eu le courage et la patience de faire en soi-même, en sa propre conscience, le chemin de pensée tracé par Descartes, celui-là n'a réellement rien compris. La société ne cesse pas d'engendrer des eunuques de la pensée, c'est-à-dire des entendements dénués de couilles, soumis à des logiques dont ils n'ont pas conscience et démunis des outils critiques nécessaires pour remettre en cause les systèmes dans lesquels ils rampent, euphoriques et malheureux. Imbéciles paresseux et lâches qui se contentent de la matière digérée par leurs maîtres, et ignorant de cette vérité au coeur de la culture véritable, qui est que qui travaille sa pensée travaille seul, en lisant.

Publicité
Publicité
Commentaires
Scolies
Publicité
Archives
Publicité