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Scolies
4 août 2012

CCCIII

La forme n'égale jamais la matière.

– Alain

aire_triangle

Le danger de la géométrie vient de ce que l'on a facilement tendance à plaquer avec un peu trop de foi les figures construites par l'entendement sur le réel, monde à jamais insaissisable par l'esprit. L'entendement, malgré tous ses efforts et son exigence de rigueur implacable, ne collera jamais à la matière. Notre monde brut est d'une complexité matérielle qui étonne toujours l'observateur. Il n'y a pas de triangle dans la nature, ni de droite, ni de surface absolument plane. Cette table en face de moi, je serais bien téméraire de la dire faite en quatre angles rigoureusement droits, car si je prends un outil suffisament performant, je verrais des inégalités de constructions en ces bords qui paraissent pourtant à l'oeil nu d'une égalité parfaite. Le microcosme révèle des couches subtiles, des dunes montantes et descendantes de molécules, qui rendent à jamais impossible la saisie parfaitement adéquate du réel au moyen d'une figure de l'entendement, forcément réductrice. Même le dessin du cercle que je forme sur le tableau avec ma craie, à n'en pas douter, n'est pas un cercle parfait. La seule perfection géométrique est dans l'entendement ; autrement dit, la perfection de la figure, ce ne peut que être le concept. Comment une figure de l'entendement, aussi précise soit-elle, pourrait-elle se conformer à notre réel si visiblement rugueux dès que l'on s'en approche de près ? Quelle théorème pourrait décrire le jeu imprévisible des vagues dans l'océan ? La figure est une construction de l'entendement qui ne saura jamais qu'un outil formidable aidant à l'intelligibilité de notre monde physique, ce qui n'est possible qu'à la condition de simplifier ce monde pour que nos entendements puissents le saisir dans ses grandes lignes. L'entendement est l'atelier où l'on construit les outils nécessaires pour mesurer dans nos moyens limités ce qu'il y a d'essentiel dans notre vaste monde, beaux outils qui font la grandeur de l'homme, mais qui ne permettront jamais, par leur nature même, de saisir le détail et la singularité des parcelles de l'univers. L'important est qu'il faut toujours affirmer avec force cette idée simple, élémentaire, évidente pour le sens commun, mais si vite oubliée dès que l'on se lance avec enthousiasme dans des études spéculatives : le concept n'égale jamais le réel. 
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