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Scolies
11 juillet 2012

CCLXXIX

On voit par là que, si la philosophie est strictement une éthique, elle est, par cela même, une sorte de connaissance universelle, qui toutefois se distingue par sa fin des connaissances qui ont pour objet de satisfaire nos passions ou seulement notre curiosité. Toute connaissance est bonne au philosophe, autant qu'elle conduit à la sagesse ; mais l'objet véritable est toujours une bonne police de l'esprit.

– Alain

Philosophie

On s'embête toujours en essayant de définir la philosophie, trouvant des subtilités à n'en jamais finir, de sévères objections à toutes les tentatives, et en niant sans cesse ce qu'indique le bon sens et l'étymologie. Ce n'est pas la peine de chercher aussi compliqué pour aboutir à des résultats aussi stériles. Pendant quelques temps, j'estimais que Deleuze et Guattari avaient bien répondu à la question ; c'était lorsque j'étais bêtement deleuzien ; je ne voyais dans les philosophes plus que l'art de fabriquer des concepts. Et Montaigne, quel concept avait-il inventé celui-là ? Et Alain ? Et Jules Lagneau ? Ils en sont où, ces philosophes, avec leur chaosmose, comme disent avec beaucoup de pédanterie les deux allumés du concept ? Pourrait-on dire qu'ils ne sont pas philosophes parce qu'ils n'ont pas su forger de nouveaux concepts ? Définition moderne de la philosophie qui se moque de l'étymologie ainsi que de tout élan vers la sagesse et qui, comme par hasard, convient particulièrement à Deleuze. 

Je m'aperçois maintenant que la courte préface d'Alain à ses 81 chapitres sur l'esprit et les passions (ou à ses Éléments de philosophie, c'est pareil), vaut à elle seule toutes les laborieuses élucubrations de Deleuze sur le sujet. Alain, à son habitude, part de l'étymologie, et trouve le chemin vrai ainsi. La philosophie, "c'est, aux yeux de chacun, une évaluation exacte des biens et des maux ayant pour effet de régler les désirs, les ambitions, les craintes et les regrets." Pour développer la définition, il suffit de considérer les moyens du philosophe pour réaliser sa tâche, lesquels consistent toujours dans l'acquisition de la connaissance et la méthode pour bien juger de soi et du monde. Et ce besoin de connaissance et de fermeté dans le jugement mènent tout naturellement vers les théories de la connaissance, dont nous oublions trop facilement l'intérêt éthique sous-jacent. Dès qu'une science nous enseigne à bien juger, elle nous conduit vers le chemin de la sagesse. Aussi, l'exigence de connaissance du philosophe n'a pas de fin ; il est encyclopédique, il cherche le savoir absolu, mais conscient qu'il sera toujours en quête de nouvelles connaissances, qu'il ne se figera en aucun système définitivement arrêté, sachant même que le refus de l'achèvement du savoir fait la vie même de la philosophie, discipline mouvante en son principe même. Être philosophe, c'est refuser de s'arrêter de chercher, en trouvant du bonheur dans l'ininterruption de cette recherche qui paraîtra toujours ridicule au vulgaire. 

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