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Scolies
9 décembre 2011

LXIV

Si j'osais oser ! Plus je l'aime, plus je suis timide.

Stendhal

troy_amour ,

La timidité est de toute évidence le meilleur moyen de comprendre que nous aimons quelqu'un ; et par aimer, il faut entendre ici amour-passion et la cristallisation qui la sous-entend, car dans l'amour de la philia, c'est au contraire la franchise qui semble augmenter à mesure qu'on aime. Tous ceux qui aiment passionnément éprouvent cette timidité, qu'elle se manifeste d'une façon ou d'une autre : il faut voir la peur de l'amant, doutant toujours de l'amour de l'aimé, s'inventant mille scénarios différents, tentant de mener des investigations tordues sur le cheminement de ses sentiments, et qui, voyant le propre mouvement inquiet de son âme, redouble sa peur à mesure qu'il pense et n'agit pas ; cercle vicieux lui faisant manquer de la qualité la plus importante dans la jeu de l'amour, à savoir la hardiesse. L'amoureux sait que l'absence d'audace est la cause de son inertie ; il sait bien qu'il ne perdrait rien à agir, pouvant au contraire tout gagner si tant est que le lunatique Cupidon ne se fout pas de lui ; mais sa passion le fait contempler les possibles au lieu d'avancer d'un pas sûr vers le réel, alors qu'il est souvent tout à fait capable de faire preuve de témérité avec les personnes qu'il n'aime pas. C'est que ces personnes non cristallisés n'ont pas cette aura envoûtante donnant l'impression à l'amoureux de risquer toute sa vie s'il ose faire une action pouvant déplaire à l'aimé, comme si toute sa félicité tenait à un incertain coup de dé lancé dans l'effrayante réalité.

J'écris beaucoup pour comprendre un sentiment que Stendhal fait sentir mieux que n'importe qui d'autre dans ses romans ; faiblesse du lent dépliage et force de la spontanéité de l'art ; splendeur de l'intuition, et misère des médiations discursives. Julien Sorel qui ose prendre la main de Mme de Rénal : je crois qu'il n'y a pas d'acte plus héroïque dans toute la littérature ; à ce moment, Julien se fait l'égal de Napoléon qu'il admire ; et qui n'a pas, en lisant le Rouge et le Noir, tremblé et vibré pour Julien n'a rien senti de ce roman immortel.

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