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Scolies
8 décembre 2011

LXIII

N'écoute les conseils de personne, sinon du vent qui passe et nous raconte les histoires du monde.

Debussy

Claude_Monet_Nature_Water_Plants_Flowers_Modern_Age_Impressionism 

On pourrait voir dans cette citation une formule belle mais creuse ; quoique je ne sache rien de son contexte et du sens que lui attribuait Debussy, j'y vois une vérité profonde et assez peu constatée. Qu'on écoute La Mer ; la musique ne signifie jamais rien, mais entraîne l'âme dans des mouvements particuliers et féconds propres à faire saisir la singularité de l'esprit du compositeur, singularité passant par l'universel du beau et rendant ainsi possible la communication profonde entre le génie et ce qu'il y a de commun en chaque homme, communication magique, intuitive, que ne permet jamais l'échange de paroles. La formule de Debussy éclaire ce point ; elle dévoile le chemin faisant aller du plus singulier au plus universel, itinéraire devant être toujours recommencé pour que s'épanouisse la force spécifique de l'homme, qui réside dans ce croisement incessant du singulier avec l'universel.

Mille obstacles s'opposent pourtant à ce que l'homme affirme son individualité, ce qui ne veut pas dire imposer bêtement son gros ego, mais être tout simplement soi-même, expression tant répétée qu'elle devient inopérante par sa banalité alors qu'elle contient l'essentiel de l'exigence de l'individu vis-à-vis de lui même. Refuser d'écouter les conseils des autres, ce n'est pas refuser d'être attentif à ce que peuvent dire nos confères sur nous, ce serait bien bête, mais c'est ce construire un chemin rationnel en écoutant nos tendances propres ; car trop souvent l'individu est entravé par la crainte d'être lui-même, enfermé dans la copie servile des autres. Quelle idée saugrenue que celle de Stendhal d'écouter les conseils de Balzac pour la Chartreuse de Parme ! Heureusement qu'il s'aperçut rapidement, comme il le fit déjà bien souvent auparavant, qu'il était incapable de se ranger dans le carcan des autres. Suivre toujours ses tendances et ses instincts, mais en leur imposant un ordre, en les domptant, en les éduquant : tel est le seul moyen d'affirmer son individualité sans tomber dans la subjectivité pure, qui n'est qu'opinion stérile et barrière aux autres. C'est que le vent qui passe, alors que c'est nous qui le sentons subjectivement, ne nous raconte pas notre histoire inintéressante, mais l'histoire du monde ; c'est dire que le singulier ne saurait être que le commencement du processus, et qu'il signe sa propre destruction s'il n'avançait pas, petit à petit, vers l'universel, qui reflète en l'épurant et en le condensant l'individu. Que ce soit en société, dans l'art, ou dans l'amour, un individu non épuré et non condensé est sale ; il n'est pas même médiocre, car se conformer aux règles de l'humanité, c'est déjà s'élever, même faiblement, vers ce qui est commun ; non ; l'individu ne faisant aucun effort pour rejoindre les autres hommes reste dans la bassesse ; c'est une bête.

 

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