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Scolies
19 janvier 2012

CV

Prison de l'Être, ne peut-on se libérer de toi ?
Prison de la pensée, ne peut-on se libérer de toi ? 

– Pessoa


berger_arcadie


Il y a quelque chose de maladif dans nos tendances d'animaux métaphysiques. Nos interrogations destinées à rester sans réponses claires et définitives plongent parfois les hommes dans une torpeur stérile ; ces questions viennent à immobiliser le corps lui-même. La plupart du temps, les subtiles spéculations n'amusent point ; au contraires, ces réflexions métaphysiques, par nature vagues et errantes, poussent l'homme dans un abîme d'inquiétude, dans un gouffre de soucis obsédants. Mais l'homme n'est pas condamné à être un être-pour-le-souci pas plus qu'il n'est un être-pour-la-mort ; il est faux de dire que l'angoisse lui est naturel ; l'analytique existentiale est une invention d'homme malade pour d'autres hommes malades. Il est clair que ce ne sont pas les lourds systèmes métaphysiques des allemands qui allègeront notre existence, les allemands, dit Stendhalpour qui ce monde est un problème non résolu, et qui aiment à employer les trente ou quarante ans pour lesquels le hasard les a placés dans cette triste cage, à en compter les barreaux. Cette citation de Stendhal dit si adéquatement ce que je veux dire que je suis tenté de m'arrêter ; mais il faut être courageux, accepter d'avance nos phrases forcément inférieures, et, enfin, jouer le jeu. Que notre admiration ne soit pas la fallacieuse légitimation de notre inaction.

Je dis que le monde est un processus sans finalité qui se déploie pour lui-même, sans raison extérieure à lui-même ; je dis que Spinoza avait raison, et que son Dieu immanent est le meilleur de toute l'histoire de la pensée. Partons de là. La rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu'elle fleurit, dit Angelus Silesius. Celui qui se sent étranger au monde est celui qui pose des mauvaises questions à l'existence. Lorsqu'on a saisi que la vie, que l'existence, que le processus vaut pour lui-même, qu'il se moque de la puérile recherche de finalité des hommes, alors le sentiment d'étrangeté n'a plus lieu d'être. "Pourquoi la rose fleurit-elle ? Pourquoi le Monde ? Pourquoi la mort ?" Autant de questions existentielles réduites au néant, ridiculisées, frivolisées, futilisées, bagatellisées par  un cri authentique de ce genre : "Le Processus est sans pourquoi, fleurit parce qu'il fleurit ; il jouit de son propre mouvement, et sa seule fin est son inexorable épanouissement". Là, je crie ; je me dépêche de faire taire les faux problèmes sans argumentations superflues ; et nous devons expédier ces sottises métaphysiques avec cette verve là. C'est le but de l'opération qui compte, à savoir faire reconnaître que s'il y a bien une chose qui est autotélique dans ce monde, c'est bien le monde lui-même. Ces considérations mériteraient d'être davantage explicitées. (Ah ! Le temps !)

Il ne faut pas en conclure que toute question est vaine, qu'il est impératif de faire taire nos interrogations sur l'être, ou que la pensée est une erreur de la nature. Le problème ne se situe pas là. Car enfin, l'homme est curieux ; c'est son droit et se pourrait être son plaisir s'il le voulait ; les problèmes proviennent de l'esprit tourmenté du lourd et tordu métaphysicien habituel. En un mot : il est trop sérieux. La métaphysique (je m'abstiens de développer à partir Voltaire, Kant, Montaigne et tous les autres), prise sérieusement, est vouée à l'échec. Il serait temps que les hommes le comprenne : la seule connaissance rigoureuse, sérieuse, réelle, vraie, c'est la connaissance positive, fondée sur des faits, située dans l'expérience ; tout ce qui sort de ce cadre, qui n'est pas si étroit que l'on ne le pense, est fadaise du point de vue de la vérité. Le seul moyen de sauver la métaphysique aujourd'hui, aujourd'hui où nous sommes à peu près débarassés des chimères de la théologie, de l'ontologie et de toutes les autres foutaises, c'est de la prendre indépendamment de la vérité. Nous pouvons à la rigueur nous intéresser à sa logique interne, à sa vérité interne ; mais ce qu'il y a de plus fécond, c'est de jouer avec, de s'amuser avec les systèmes, de jongler avec les concepts, de rigoler de cet amas de pensées obscures s'élançant de tous les côtés, de ce pompeux fatras d'Idées de la raison pure.

Soyons actifs et les inquiétudes sur l'existence s'évanouiront d'elle-même. Les tourments de la métaphyisques ne sortent que de la tête des oisifs. Laissons la vie fleurir en nous, et pour, et au nom la vie elle-même ; quant à la métaphysique, faisons en souvent, mais par jeu uniquement ; tout s'allègera ; la pensée ne sera plus prison.

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