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Scolies
30 janvier 2012

CXVI

Quand les difficultés qui environnent toutes ces questions laisseraient quelque lieu de disputer sur cette différence de l'homme et de l'animal, il y a une autre qualité très spécifique qui les distingue, et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation, c'est la faculté de se perfectionner.

– Jean-Jacques Rousseau

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La civilisation, c'est-à-dire l'Humanité, est le chemin de la perfection. La culture, mot demeurant souvent dans le vague, c'est d'abord ce qui croît ; si l'on pousse un peu l'idée en la dirigeant vers le sens dont il est question ici, on peut dire que la culture, c'est l'ensemble des moyens mis en oeuvre pour rationnellement faire croître ce qui peut être élevé en l'homme. Il n'y a rien de tel chez l'animal et il faut un peu de mauvaise foi pour le nier ; la volonté de rendre toujours plus ténue la différence entre l'homme et l'animal est trop visible ; et Montaigne, dans son Apologie de Raymond Sebond, se montre bien peu convaincant : on le lit en y prenant du plaisir, on adhère momentanément à son jeu (qui devient tout de même un peu lassant à la longue), mais enfin, on n'y croit rien. Je veux bien imaginer que les animaux ont une religion, mais pour un moment seulement ; et le scepticisme est un jeu qui doit s'arrêter pour ne pas devenir sérieuse folie. Ceci dit, le rapprochement excessif de l'homme avec l'animal, le désir d'y voir une différence de degré et non de nature, est à la mode. En effet, non content d'ornementer régulièrement les droits de l'homme de sornettes aussi incongrues que ridicules, les bien-pensants, toujours plus bêtement innovant, veulent maintenant accorder des droits similaires aux animaux. Arrivé à ce stade de bêtise, il ne sert plus à rien de raisonner, il faut se marrer, et bien fort.

Si l'animal se perfectionne, ce n'est jamais que par l'action de l'homme. Jamais l'animal ne se dressera tout seul. Et encore, quelle faible faculté de se perfectionner, et même chez les animaux les plus étonnants ! Il faut des années pour qu'un perroquet lève la patte lorsqu'on émet un signe précis, et cela suffit à en faire l'acteur d'un spectacle dans un zoo. On est tout surpris lorsqu'on voit un singe singeant l'homme, comme s'il y avait quelque chose de similaire entre le singe et l'enfant. Il n'en est rien ; jamais le singe, tout aussi impressionnant soit-il, ne peut s'élever naturellement et consciemment ; c'est un dressage, et non une éducation, qui vise le spectaculaire, c'est-à-dire, encore et toujours l'homme. 

Il n'y a que l'homme qui peut qui doit se réaliser et devenir ce qu'il est. L'animal est déjà ce qu'il est ; il n'opère pas par des médiations, il écoute ses instincts, sans discernation, puis agit, et la messe est déjà dite. Rien n'est entièrement donné à l'homme ; aucun animal n'est fait ainsi. On mesure le degré de civilité d'un peuple aux efforts mis en oeuvre pour perfectionner les citoyens ; et c'est pourquoi, à jamais, les Grecs incarneront l'idée de civilisation. Le gymnase est peut-être l'image la plus frappante de cette faculté de perfectionner dont parle Rousseau : voilà des hommes qui se réunissent dans le seul but de perfectionner leur corps, qui développent leur muscle non par accident, mais volontairement, pour la simple joie de le faire. Puissent les éternels kouroï toujours stimuler notre désir de perfection !

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