Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Scolies
17 février 2012

CXXXIV

J'ai toujours vu que pour réussir dans le monde, il fallait avoir l'air fou et être sage.

– Montesquieu

1252305714_sim

Le véritable fou, l'homme qui ne joue pas l'extravagance mais qui authentiquement s'égare dans un flux désordonné de paroles et de gestes, est à juste titre banni de la société, tout comme le sage, le savant, qui ne fait que parler ses connaissances et sa lourde intelligence, assommant l'assemblée de ses préceptes raseurs et de ses leçons fastidieuses. La raison de ce fait d'expérience quelque peu étrange lorsqu'on n'est pas habitué à y penser se trouve facilement : comme l'honneur est le ressort de la monarchie dans l'Esprit des lois, le plaisir, l'agréable est le ressort de la conversation. Il serait d'ailleurs très utile que quelqu'un, si ce n'est déjà fait, écrive une sorte d'Esprit de la conversationouvrage qui révélerait les règles implicites et naturelles de la vie en société. 

Si une bonne conversation, c'est-à-dire une conversation agréable, se déroule en s'appuyant sur des questions savantes, comme c'est parfois le cas lorsque des étudiants, des professeurs, des intellectuels se réunissent, ce n'est certainement pas du fait de la grandeur, de la noblesse du sujet ; cela vient de ce que les personnes présentes se sentent à l'aise dans le sujet abordé et qu'ils sont heureux de partager leurs opinions sur ce sujet. Mais il faut noter que pour qu'une telle conversation puisse être agréable, elle se doit d'être légère avant que d'être savante, c'est-à-dire qu'elle n'est savante que par accident, pour des raisons contingentes, et que le coeur de l'agréable ne se situe pas dans son caractère élevé, hauteur d'ailleurs plus fantasmé que réel (car ce n'est que dans la solitude voire le dialogue que l'on peut s'élever). Il n'y a rien de plus insupportable qu'une conversation de pédants, où chacun des membres de ce cercle de prétentieux attend impatiemment que l'autre ait terminé son laïus pour en faire un à son tour. 

Dans le monde réussissent ceux qui sont souples, qui savent faire servir leur puissant entendement à autre chose que des recherches solitaires, qui s'efforcent d'animer leurs semblables par un subtil mélange de provocation et de courtoisie, qui parviennent à gracieusement unir leur impressionnante inventivité à leur tact pénétrant, bref, les hommes qui ne sont pas enfermés dans une seule manière d'être, qui ne sont pas entravés par la crainte de ne pas tenir des propos suffisamment élevés, qui n'hésitent pas à faire rire du sujet le plus grave et à égayer l'atmosphère par les développements les plus incongrus. Peu de personnes réunissent toutes ces qualités ; nous avons la chance de les entendre à l'oeuvre dans les Grosses têtes des années 80 et 90 lorsque se combinait le talent de Jean Yanne, Olivier de Kersauson, Jacques Martin, Sim, pour ne citer que les meilleurs. Je trouve autant d'enseignement, voire davantage, dans ce genre d'émission que dans un cours de Gilles Deleuze ou de Jankélévitch.

Publicité
Publicité
Commentaires
Scolies
Publicité
Archives
Publicité