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Scolies
18 février 2012

CXXXV

Les vrais politiques connaissent mieux les hommes que ceux qui font métier de la philosophie ; je veux dire qu'ils sont plus vrais philosophes.

– Vauvenargues

Cardinal_de_Retz


L'homme politique a un avantage considérable sur le philosophe : il fréquente les hommes, est obligé de se frotter à eux, se doit de les comprendre tels qu'ils sont, compréhension que l'expérience leur apporte inévitablement s'ils ne sont pas tout à faits aveuglés par leur idéologie (et nous ne devons pas, lorsque nous évoquons les hommes politiques, immédiatement se référer, comme de coutume, à leurs bassesse et à leurs vices comme s'ils n'étaient capables d'aucune vertu et qu'ils ne pouvaient posséder aucune qualité intéressante). Au contraire, le philosophe s'empresse de se fabriquer de gros concepts ailés pour s'envoler dans le nuageux ciel du devoir-être ; il regarde l'expérience avec un peu de dédain, la considérant comme un matériau vite épuisable pour la construction de ses idées ; toujours voulant améliorer, dépasser, surpasser, dangereux désir et ridicule fantasme. Aussi, la vie du philosophe ne permet que rarement les rencontres nécessaires à l'accroissement de la connaissance des hommes, puisqu'il ne fréquente, le plus souvent, que des intellectuels, des étudiants, et que, surtout, son travail étant essentiellement solitaire, il n'a pas à faire l'épreuve difficile mais enrichissante de la collaboration et de la négociation, en quoi consiste tout le travail du politique. 

Tout cela n'est pas déduit abstraitement, mais provient de la comparaison faite entre les livres des philosophes d'une part et les ouvrages des politiques d'autre part, étant entendu que par ouvrages politiques je ne pense évidemment pas aux fadaises écrites par les nègres des pantins politiciens d'aujourd'hui. Les Mémoires du Cardinal de Retz révèle une connaissance de l'homme mille fois plus profonde que tous les bouquins réunis d'Heidegger et de Derrida ; l'expérience de Talleyrand vaudra toujours mieux que les théories, mêmes intelligentes et fascinantes, d'Hobbes et Rousseau ; Cioran se rit à juste titre de l'ignorance que Nietzsche avait des hommes, lequel trouvait, non sans raison, plus d'intérêt à la lecture de Thucydide qu'à celle de Platon. La fréquentation quotidienne de jeunes gens aspirant à la philosophie fait voir non seulement une bête condescendance pour la politique concrète mais également une naïveté sans pareille sur la nature humaine, que cette naïveté penche du côté de l'optimisme ou du pessimisme ; obnubilés par les beaux discours philosophiques, exaspérés par le jeu lassant des politiciens peu virtuoses d'aujourd'hui, méprisant les capacités d'observation surprenantes des hommes ayant choisi une autre voie que celle de l'amour de la sagesse, ils s'étonnent ensuite d'être la risée de ces hommes moins rêveurs et, par la nature de leur fonction, plus habitués au contact rugueux avec leurs frères humains.

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