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Scolies
1 avril 2012

CLXXVIII

J'aime ta joie parce qu'elle est folle ; elle annonce que tu es heureux.

– Beaumarchais


Il y a un bonheur que les ascètes ne peuvent comprendre, et qu'ils s'efforcent obstinément de mépriser, c'est l'exubérant bonheur positif, bonheur dansant et réellement joyeux, qui s'épanouit sans entrave aucune, qui s'élance animé de sa propre force, bonheur puissant prenant souvent les allures de la folie, tant l'excès des signes de la joie peut ressembler à de la démence. Un air de folie se trouve presque toujours chez les hommes gais ; c'est qu'ils ne craignent point d'exprimer toutes les belles idées, toutes les piquantes pensées qui leur viennent à l'esprit ; ils sentent, puis s'élancent, sans hésitation ; et il n'est pas étonnant que les hommes timides, comme Jean-Jacques, sont souvent des êtres malheureux, du moins en société. Les hommes fous de bonheur effraient les pédants et les austères ermites, les éternels embarassés et chameaux lourds d'un triste esprit de sérieux ; ça étonne, un tel bonheur, et puis ça donne des signes d'euphorie si surprenant ! Ces hommes solides en leur légèreté même, je les admire et les aime. 

Figaro, formidable antithèse de Rousseau, incarne parfaitement ce bonheur énergique, avec, de sucroît, une pétulance et un esprit exceptionnel faisant de lui l'un des personnages le plus attachant qui n'ait jamais été inventé. D'ailleurs, Le Mariage de Figaro est une pièce si extraordinaire, dégageant un tel imprévisible bonheur, que je m'étonne à chaque fois que j'y songe qu'un idéal aussi élevé ait pu être atteint ; Beaumarchais devrait être réellement vénéré pour ce coup de génie possible en France seul ; et je ne peux m'empêcher de croire que cette pièce pourtant déjà si connue n'est pas encore assez célébrée. Ce qu'il y a d'encore plus étonnant, c'est que le monde, qu'on aimerait croire pour l'occasion le meilleur des mondes possibles, nous a donné, en plus de Beaumarchais, le génie enjoué de Rossini, et que le chef-d'oeuvre de ce dernier met précisément en scène le radieux Figaro, dont on ne peut se lasser. Pensant à la force du génie humain, et au bonheur qu'il a su mettre dans ses oeuvres, et tout en écoutant, pour la millième fois, et toujours aussi ravi, l'aria indépassable de Figaro, j'ai presque envie de pleurer, ce qui est peut-être un peu ridicule, vu le sujet de mon exercice ; mais ce serait des larmes de joie, un peu folles, qui viendraient couler sur mes joues ; d'heureuses larmes folâtres.

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