Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Scolies
25 juillet 2012

CCXCIII

Le chant qui s’échappe de la gorge, est la récompense, qui mille fois récompense.

– Goethe

ceciliabartoli1

Comme la vertu est à elle-même sa propre récompense, les efforts du chant sont récompensés par le chant lui-même. L'exercice de l'art est une jouissance supérieure qui se suffit à elle-même, si tant est qu'on ait l'âme artiste, ce qui n'est certes pas le cas de tout le monde. Ils sont méprisables, ces vaniteux qui toujours se servent de leur art comme d'un moyen pour arriver à une fin abjecte, comme si la basse satisfaction de l'ambition et de l'amour-propre valait le bonheur de l'activité artistique ! Le chant, qui offre un bonheur si visiblement physiologique, est, avec la danse, le modèle de cette sorte de bonheur. Le plaisir est le signe des puissances, dit Aristote. Ainsi l'art, plus que n'importe quelle activité, peut être dite pure. L'activité artistique est par excellence celle qu'on fait pour elle-même. Je chante parce que j'aime chanter : tel doit être la pensée primitive de tout véritable chanteur ; et le rêve de la gloire, par exemple, ne doit être qu'un luxe, un plus dont on pourrait très se passer. Tout ceci est particulièrement visible pour le chant, pour des raisons que tout le monde aperçoit en chantant ou en sifflant sous sa douche et dans la rue, mais il en va de même pour tous les autres arts, peinture, sculpture, ou écriture. Lucien de Rumembré n'est pas un artiste authentique dans la mesure où il ne se satisfait pas le moins du monde de son activité littéraire ; s'il n'écrit, ce n'est jamais que pour atteindre la gloire, augmenter sa fortune, et faire la femmelette dans le monde parisien. Stendhal écrit nombre de ses ouvrages en sachant très bien qu'il ne les publiera pas de son vivant ; et pourtant, le bonheur de l'écriture se sent à chaque page. L'artiste authentique agit non en pensant aux effets que son oeuvre future va provoquer dans son entourage et chez le vulgaire, ce qui est vulgaire, mais pour l'action artistique elle-même : quand il écrit, il écrit ; quand il danse, il danse. Cet élan vers l'action sans trop de pensée caractérise le bonheur de l'artiste. En regardant le mouvement créateur d'un écrivain, on y trouvera moins de pensée, je veux dire de méditation, de rêverie, de calculs ambitieux qu'on ne s'y attendrait. L'artiste malheureux est celui qui pense produire et qui ne produit point. 

Publicité
Publicité
Commentaires
Scolies
Publicité
Archives
Publicité