Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Scolies
15 mai 2012

CCXXII

La lumière est le plus beau diamant de la couronne de la beauté ; elle a sur la connaissance de toute belle chose l'influence la plus décisive ; sa présence, de toute manière, est une condition nécessaire ; mais si elle est favorablement placée, elle rehausse encore la beauté des plus belles choses.

– Schopenhauer

renoir_auguste_nu_au_soleil_9700720

La lumière a toujours été vénéré. Le soleil a dans tous les peuples un caractère divin. Les yeux de l'homme doivent se concentrer sur ce qui rehausse. Élévation, je te cherche partout, et désire mieux te comprendre, apercevoir ton vertueux principe ; je crois t'avoir vu dans l'amour et dans l'art, bien que mon regard manque d'acuité et mes expressions de précision. Je veux aujourd'hui te voir dans la lumière, en ce jour où le ciel fut fluctuant, révélant, par comparaison, tes grandes vertus. 

La lumière ne doit pas être isolée de ce qu'elle éclaire. Rigoureusement, la lumière n'est point belle en soi, et il est difficile de concevoir ce que serait une pure lumière sans forme. La lumière est fondamentalement ce qui révèle les formes du monde ; elle est au service des figures de l'univers. La matière serait invisible pour l'homme sans la lumière ; et l'on peut dire, sans exagération, que la lumière est le fondement de la beauté. Il n'est point rare de dire, avec raison, que l'intuition est une lumière : c'est que c'est par l'intuition que le monde nous est donné, et que c'est la lumière qui nous fait voir le monde, qui nous donne des images du monde. 

Les changements de lumière changent profondément notre perception du monde. D'où l'importance de l'éclairage dans les musées, qui peuvent altérer notre jugement sur les oeuvres exposées.  La contemplation de la mer est radicalement différente à l'aube ou zénith. Les rues d'une ville prennent un charme singulier au crépuscule, en ce jeu mouvant de l'ombre, en cette douce mort de la lumière, qui bientôt ressuscitera. Les impressionnistes, adorateurs de lumière, révèlent cette beauté là. On ne voit la suprême beauté des temples grecs qu'en pleine lumière ; et si j'imagine que le Parthénon montre un charme mystérieux la nuit, je suis sûr que sa signification la plus forte ne peut nous parvenir que lorsqu'il est baigné du soleil. Surtout, la lumière embellit les jeunes filles ; c'est en songeant à elles, créatures abondantes en ces jours-ci, que j'ai voulu réagir à la belle phrase de Schopenhauer, dont la prose est lumineuse entre toutes, contrairement à ce que nous disent les préjugés courants à son sujet. Les mots manquent pour décrire convenablement ce rehaussement que je veux cerner, ce rehaussement de la beauté des jeunes filles, lorsqu'on regarde leur visage en plein soleil, lorsqu'on les regarde esquisser des sourires et lancer des éclats de rire, autant d'attraits visibles en des temps plus obscurs, mais moins forts, moins éclatants, et, pour ainsi dire, moins sacrés. Car il me semble que le rehaussement de la beauté féminine par la lumière leur donne une aura sacré, liée à la joie profonde que leur contemplation suscite. Mais je ne puis continuer ; résigné, il ne me reste plus qu'à relire les pages de Proust sur les jeunes filles, le seul qui parvint à accomplir cette si diificile mission, exprimer adéquatement et universellement leur beauté mouvante. 

Publicité
Publicité
Commentaires
Scolies
Publicité
Archives
Publicité