XVIII
Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache,
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.
– Rimbaud
On nous fait chier avec le petit adolescent cynique pendant toute notre scolarité, on nous gave de poèmes inintelligibles et emphatiques, sans se douter que le plus beau est contenu là. Le Bateau Ivre est son meilleur et dernier beau poème ; le reste, qu'on se le dise, c'est de la merde, les Illuminations en premier. Une saison en enfer, passe encore. Mais pourquoi se casser le cul et l'entendement à trouver des critères, des règles débiles pour interpréter les délires d'un petit péteux autoproclamé ? Si je retiens des vers de Rimbaud, ce sont ceux-là. Tout y est. Il s'est jugé et compris lui-même. Son destin en Afrique y est. La souplesse du vers, non encore teinté d'inintelligibilité, y est. Ce sont même des vers que nous aurions envie de prononcer, lentement, avant de mourir, au crépuscule de notre vie, comme le petit Arthur les écrivait au sommet de son génie éphémère. Ces vers sont d'ailleurs ignorés, je n'ai jamais entendu quelqu'un les citer ou les commenter. Le reste du Bateau ivre est faible à coté.