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Scolies
31 octobre 2011

XXV

Nous croyons aimer une jeune fille, et nous n'aimons hélas ! en elle que cette aurore dont son visage reflète momentanément la rougeur.

 Proust

monet_femme_ombrelle 

Proust a compris le désir, et mieux que personne ; Deleuze l'a admirablement souligné. Le désir est complexe ; il faut entendre qu'il est composé, qu'il constitue une multiplicité, qu'il n'est jamais un ou simple. Dire qu'on désire quelqu'un, sans préciser la composition de ce désir, c'est entretenir le flou, c'est parler abstraitement de son désir. Tout au contraire, dans le désir réel, notre attention est dirigée vers des endroits précis du corps, plus ou moins fantasmés.

Une jeune fille qui passe, c'est un défilement d'images, et ce défilement est déterminé par le cadre extérieur, qui constitue les modalités d'apparition du féminin défilement. Nous ne désirons pas directement quelqu'un, dans toute sa pureté ; nos rêves n'avancent pas animés par l'essence d'un être ; le cadre compte, tout ce qui est autour joue un rôle, et, en premier lieu, on s'en doute bien, le jeu infiniment varié de la lumière.

Rarement nous aimons un être tout entier. Non seulement nous exigeons des modifications, mais notre imagination, spontanément, produit ces modifications ; modifications liées à notre désir, qui se concentre en des points souvent précis. Qu'est-ce que serait ce visage, que je crois si beau, passant devant moi, si la lumière n'eût pas été ainsi ? Dans la pénombre, je veux parler de la pénombre d'indifférence, je n'aurais pas même remarqué ce visage. Dieu serait-il le maître de l'ombre et de la lumière, pour qu'il organise si mesquinement l'étonnant jeu du hasard des rencontres amoureuses?

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