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Scolies
15 novembre 2011

XL

Ἠλίθιος ὅστις μὴ πιὼν κῶμον φιλεῖ.*

Euripide

 Los_borrachos_o_el_triunfo_de_Baco_1629_Vel_zquez

Euripide se moquait déjà de ces belles âmes fières de vivre dans une prétendue sainteté corporelle. Le vin, dans une fête, dans un banquet, n'est pas qu'accessoire, mais participe directement à l'esprit de la fête ou du banquet. Il est facile de dénigrer l'alcool et d'y trouver les vices ; il ne faut néanmoins jamais oublier que ceci dépend entièrement de la personne qui boit : la responsabilité n'est jamais dans la boisson : laissez Dionysos jouir de sa joyeuse innocence ! Si le vin est si nécessaire au principe de la fête, c'est qu'il contient les vertus qui accompagnent le mouvement général de celle-ci : l'abaissement du degré de conscience, le sensible abandon de sa personne, la perte de l'attention portée à ce que l'on représente, sont de ces effets positifs qui permettent à chacun de davantage se livrer soi-même lors d'une fête. De fait, le principal obstacle au bon déroulement d'une fête (qui se doit d'être sans temps morts, joyeuse, portée par une atmosphère de frivolité motrice) n'est pas autre chose que la trop réglée conscience de soi qui entrave le déploiement naturel du caractère d'un individu. C'est bien connu : l'alcool décoince, favorise la sociabilité spontanée, permet de davantage, selon cette expression éloquente, se laisser aller : en d'autres termes, l'alcool aide à être soi-même en présence de l'altérité. Il va de soi que ceci n'est plus vrai dès que la quantité d'alcool dépasse les limites du raisonnable...

Mais faites boire quelques verres à un timide : rapidement les inhibitions s'effaceront, et laisseront la place à l'individu non entravé par la crainte d'être vu et jugé ; il pensera moins à son obsédant amour-propre, pensera moins tout court, et agira !... J'ai souvent remarqué que les personnes qui sont violentes après avoir bu, sont des êtres ayant naturellement une tendance à la violence ; seulement l'alcool renforce la puissance des instincts, et agit comme une sorte d'accélérateur, de catalyseur de la personnalité, c'est-à-dire que l'individu, du fait du renforcement artificiel de ses tendances profondes, devient momentanément davantage lui-même qu'il ne l'est. Bref, on pourrait dire que le vin favorise l'éclosion de l'idiot (chère à Clément Rosset et Démocrite) qui se cache en chacun de nous, derrière l'étouffant masque du moi social. Voilà finalement ce que je cherchais depuis avant : la vertu du vin est de rendre idiot, et la meilleure fête est celle qui réunit la plus joyeuse bande d'idiots...

*Est stupide celui qui aime la fête sans boire.

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Commentaires
S
Ah ! ah! j'ai bien ri en lisant ce billet !
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