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Scolies
4 janvier 2012

XC

Attendre d'en savoir assez pour agir en toute lumière, c'est se condamner à l'inaction.

Jean Rostand

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Je m'aperçois petit à petit que toute la médiocrité des hommes vient de cette attente. C'est l'attente qui neutralise les forces, qui les empêchent de se développer librement, qui font tristement stagner l'individu, l'abandonnant dans un marasme absolument stérile. Que ce soit pour en savoir assez, pour avoir assez d'économie, pour avoir assez de temps, pour avoir une meilleure forme – toutes les raisons sont bonnes – ceux qui attendent font comme s'il fallait concentrer ses forces avant d'agir et trouver un moment opportun qui n'arrive jamais, comme si l'attente était une forme d'avancement ou de progrès individuel, alors qu'elle n'est que le refuge de la fainéantise et des rêveries. Mais précisément les rêveries ne produisent rien et ne font en aucun sens progresser l'individu ; depuis toujours, seule l'action a fait marcher l'homme ; et c'est uniquement lorsqu'il travaille (entendons par là le déploiement raisonné et régulier de ses forces en vue de la réalisation d'un projet), c'est uniquement lorsqu'il est dans un mouvement effectif, qu'il est fécond, et j'irai jusqu'à dire, qu'il est heureux. Vita motu constat, dit Aristote. L'homme en mouvement libre, c'est-à-dire qui emploie son énergie dans une activité choisie, n'est pas malheureux, ou pas autant qu'il le croit et qu'il le dit. Le malheur est une mauvaise pensée d'oisif.

Les hommes qui attendent sont des rêveurs, je veux dire des velléitaires qui se consolent de leur inaction en s'imaginant le résultat de ce qu'ils projettent de faire mais qu'ils ne font pas ; ils s'inventent un glorieux résultat sans effort, ils se voient dans une vie qu'il n'ont pas bâtie, ils fantasment de femmes qu'ils n'ont pas pris la peine de conquérir – plaisirs fades, divertissements des passifs. Ce genre de rêverie n'est bonne qu'au moment du repos mérité, moment de la petite sieste après un grand effort ou moment du long sommeil après une rude journée ; dans les autres circonstances, ces rêveries ne satisfont que les hommes faibles sans volonté. Napoléon n'avait pas le temps de rêver et se foutait du « droit de rêver » ; il agissait ; et ses rêves n'étaient que des ombres rejouant sans cesse sa vie lumineuse car toujours effective. Beaucoup essayent de faire l'inverse : faire de leur vie éveillée une ombre, et voir une image du bonheur dans des songes dont ils exagèrent la portée. Ceux-là n'arrivent à rien.

C'est lorsque je rêve avec enthousiasme de réaliser un projet quelconque ou de m'améliorer sur un point précis et que je ne fais pas même un seul pas réel vers ces idées que je me méprise le plus.

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