Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Scolies
14 avril 2012

CXCI

L'entêtement pour l'astrologie est une orgueilleuse extravagance. Nous croyons que nos actions sont assez importantes pour mériter d'être écrites dans le grand-livre du Ciel. Et il n'y a pas jusqu'au plus misérable artisan qui ne croie que les corps immenses et lumineux qui roulent sur sa tête ne sont faits que pour annoncer à l'Univers l'heure où il sortira de sa boutique.

– Montesquieu

330px_Universum

La pensée théologique règne. Il semblait raisonnable de penser que les ancestrales superstitions se dissiperaient petit à petit avec le progrès de la science positive ; il n'en fut rien. Nous ne pouvons plus être aussi optimistes qu'au temps où l'on découvrait les vertus de la science et où l'on commençait à peine à propager nos connaissances ; désormais, nous sommes contraints de penser que la superstition régnera probablement toujours sur les hommes. La célèbre loi des trois états d'Auguste Comte est pertinente, mais nous aurions tort de la généraliser outre mesure, et de rêver que tous les hommes atteindront l'état positif, et ce d'autant plus que l'esprit scientifique se mêle admirablement bien à la superstition et à toutes les formes de la pensée théologiques ; un scientifique n'est que rarement exempt de pensée magique ; et Spinoza avait compris que les idées fausses s'enchaînaient avec autant de nécessité que les idées vraies. L'astrologie règne donc aujourd'hui comme hier, et les charlatans dominent les faibles d'esprit avec toujours autant d'aise qu'auparavant. La folie de voir son destin dans les astres, au mépris de toute forme de rationalité, est toujours à la mode, et les magazines et les radios ne se gênent pas pour exploiter à leur guise la naïveté des hommes. 

Montesquieu insiste sur un point trop peu mis en valeur : le risible orgueil qu'il y a dans la croyance en une influence des astres sur la vie des hommes. Mais il ne s'agit pas d'une spécificité de l'astrologie ; que l'on s'amuse à regarder attentivement la pensée théologique, sous ses formes les plus variées, et toujours, derrière toutes ces aberrations, l'on trouvera l'orgueil de l'homme. Il croit sincèrement que tout tourne autour de lui, astres, dieux, et la nature elle-même. Ils imaginent des créatures divines, à la puissance sans bornes, qui passeraient leur temps à regarder les hommes, et à se sentir offensé par leurs actions. Des êtres supérieurs, sans doute, auraient bien autre chose à foutre que de contempler le tumulte répétitif des hommes en se sentant affecté par les gestes les plus insignifiants des hommes ; et c'est bien là de l'orgueil. La croyance même en une destinée est signe d'orgueil ; c'est croire que l'univers se soucie de nous, que quelqu'un ordonnerait le cours de notre petite vie misérable.

On pourrait réfuter toutes les extravagances des superstitieux en rendant manifeste le péché d'orgueil à l'origine de tous ces systèmes de sottises. Par ce procédé, les religions n'en sortiraient pas tout à fait indemnes ; mais la vraie religion n'a point tant d'orgueil. 

Publicité
Publicité
Commentaires
Scolies
Publicité
Archives
Publicité