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Scolies
12 mai 2012

CCXIX

Toujours donc revenir aux grands textes ; n'en point vouloir d'extraits ; les extraits ne peuvent servir qu'à nous renvoyer à l'oeuvre. Et je dis aussi à l'oeuvre sans notes. La note, c'est le médiocre qui s'accroche au beau. L'humanité secoue cette vermine.

– Alain

Reliure_biblioth_que_de_la_Pl_iade

Les professeurs apprennent à ne point mépriser les notes ; c'est que ce sont leurs confrères qui les font, et qu'ils ont presque toujours besoin de s'appuyer sur elles pour faire leur cours. Les livres de la Pléiade sont de plus en plus volumineux, parce qu'on les surcharge en fin de volume de centaines de pages de notes fastidieuses et de commentaires inutiles. Un beau livre se tient par lui-même ; c'est une véritable faute de goût des éditeurs de la Pléiade que d'avoir transformé leurs beaux livres en livres universitaires. Le premier volume en Pléiade des Mémoires de Saint-Simon a 500 pages de notes ennuyeuses, ce qui fait tout de même un tiers du livre.

Les grands romans, je veux dire ceux qui ont beaucoup de pages, sont très peu connus car l'école ne les fait pas étudier autrement qu'en extraits. De nombreux lycéens connaissent le début des Confessions de Rousseau, des étudiants moins nombreux connaissent les six premiers livres, mais rarissimes sont ceux qui ont lu le livre dans son intégralité, comme si la fin était moins intéressante que le début, alors que ce n'est évidemment pas le cas. On a l'impression que le seul chapitre important de l'Esprit des lois est le fameux texte ironique sur l'esclavage des nègres. On dirait que tout Proust est dans l'épisode de la madeleine. Les extraits proposés habituellement de Schopenhauer font croire qu'il n'a écrit que des textes pessimistes utiles pour les dissertations de philosophie sur le bonheur. Seul le premier livres des Fables de La Fontaine est à peu près étudié au collège ou au lycée, lorsque les professeurs de français ne préfèrent pas faire étudier à leurs élèves un rappeur sans talent. Peut-être que, pour un cours de littérature, la lecture suivie et vivante d'une oeuvre longue est plus instructive que la sélection d'extraits de dizaines d'oeuvres différentes, ce qui permet davantage aux élèves de faire semblant d'avoir une culture littéraire étendue, alors qu'ils n'ont par là qu'une connaissance de façade des grands textes de l'humanité. J'ai toujours trouvé que dans les cours de français les professeurs passaient trop de temps à l'analyse fastidieuse des techniques d'écriture employées au détriment de l'essentiel, qui est le texte même, dans son déroulement senti, dans son mouvement vécu, c'est-à-dire dans le texte lu. L'école n'a point ces préocuppations, toute occupée qu'elle est à donner à ses pauvres élèves l'apparence utile du savoir. 

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