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Scolies
3 juin 2012

CCXLI

D'après certaines études scientifiques extrêmement pointues, il est pourtant démontré que le voisinage régulier d'un poétophile, que ce soit sur le lieu de travail, dans les transports en commun ou dans un quelconque espace de restauration collective, augmente de trente à cinquante pour cent les risques de crétinisme précoce et de dégradation de l'esprit critique.

– Philippe Muray

bonnefoy 

L'occupation principale du poète est d'adhérer au monde. Déjà, les premiers poètes, qui n'avaient pas les vices insupportables de ceux d'aujourd'hui, chantaient le monde, célébraient toutes ses beautés et transformaient leurs souffrances en sources de jouissance esthétique. Le poète est celui qui du négatif fait toujours du positif ; en quoi il s'oppose au romancier qui, lui, au contraire, est censé creuser le négatif. L'évocation de la Comédie humaine ou des Rougon-Macquart suffit pour éclairer ce contraste. 

Le poète a, en général, une philosophie bien particulière. D'ailleurs, les poètes contemporains se contentent rarement d'écrire leurs galimatias amphigouriques ; ils proposent de surcroît des théories, évidemment foireuses, sur leurs propres oeuvres. Ainsi, le pseudo plotinisme de l'innénarable Yves Bonnefoy, avec ses élans pathétiques vers le monde, conduit par la sacro-sainte intuition qu'invoquent toujours les théoriciens en manque de connaissances claires et distinctes, est tout à fait conforme à sa poésie aussi pompeuse qu'inintelligible, aussi prétentieuse que ridicule. Surtout, le cas Bonnefoy, qu'on ne doit évidemment pas généraliser à tous les autres poètes, montre une tendance fâcheuse du poète ou du poétophile à vouloir s'envoler vers je ne sais quelle nuée poétique, là où le monde est tristement enchanté, pauvre d'une sotte naïveté. Le métier du poète est de célébrer, non de critiquer ; aussi, il n'est pas étonnant que les fêtes de la poèsie se multiplient chaque année en nous imposant des phrases d'un lyrisme douteux sur les murs de nos villes, comme si ces derniers n'étaient pas assez pourris par des pollutions humaines de toute sorte, alors que les romanciers, semble-t-il, sont plus réticents à s'adonner franchement au festivisme ; ceux-là, au moins, font semblant de critiquer la socièté dans laquelle ils vivent. 

Fréquenter un poète, c'est devoir supporter des cris d'extase à n'en pas finir sur absolument tout et n'importe quoi ; c'est résister aux éclairs de fulgurance que cherche à nous faire partager cet idolâtre des mots métaphorisant les choses ; en un mot, se tenir à distance des poètes, c'est vouloir ne pas s'enfoncer dans les dégeulasses miasmes poétiques d'un être toujours en quête de lui-même et de la nature, évidemment vue sous son étroit petit angle personnel. En plus, ils n'ont presque jamais d'humour.  

 


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