Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Scolies
9 juillet 2012

CCLXXVII

Ce que je veux de toi, ce n'est point faveurs vaines, 
C'est l'âme de ton corps, c'est le sang de tes veines, 
C'est tout ce qu'un poignard, furieux et vainqueur, 
En y fouillant longtemps peut prendre au fond d'un coeur. 
Va devant! Je te suis. Ma vengeance qui veille 
Avec moi toujours marche et me parle à l'oreille. 
Va! Je suis là, j'épie et j'écoute, et sans bruit 
Mon pas cherche ton pas et le presse et le suit. 
Le jour tu ne pourras, ô roi, tourner la tête 
Sans me voir immobile et sombre dans ta fête; 
La nuit tu ne pourras tourner les yeux, ô roi, 
Sans voir mes yeux ardents luire derrière toi!

– Victor Hugo

Hernani

Aujourd'hui, Victor Hugo m'a écrasé. L'Himalaya m'est tombé dessus sans prévenir. Je suis humilié dans le sens étymologique du terme, c'est-à-dire ramené à l'humus, à la terre ; j'ai banni de mon être toute vaine prétention à une grandeur quelconque ; j'ai compris, que, comme Ruy Blas, dont il n'est pourtant pas question ici, je suis un ver de terre amoureux d'une étoile. Je n'étais pourtant pas particulièrement disposé à me prendre un tel coup dans le coeur ; je voulais calmement finir mon après-midi en me délassant de mes lectures lourdement philosophiques, et je me suis ingénuement dit qu'une petite pièce classique de Victor Hugo telle que Hernani me changerait de Hegel. J'ai tout lu d'un coup, j'ai été transporté, et je ne pouvais m'empêcher de gueuler les tirades, en regueulant d'un air d'extase les vers qui m'avaient paru particulièrement remarquables. 

Comme j'ai longtemps méprisé Victor Hugo ! J'ai honte aujourd'hui de ma présomption. Pour la première fois peut-être, je me suis exclamé, sans réticence aucune : cet homme est un génie, cet homme est un dieu ! Il y a chez lui un don pour hisser le lecteur jusqu'au sublime et rendre enthousiastes les coeurs affadis. La violence sauvage des expressions, pourtant toujours parfaitement contrôlées, transportent loin et affermissent l'exaltation suscitée par les situations. La fougue s'étend en crescendo et l'indifférence n'est pas permise. La beauté impétueuse bouscule toute l'âme. Je trouve qu'il y a beaucoup de Corneille dans cette pièce, lequel a toujours eu mes faveurs ; j'aime au théâtre à contempler des âmes dont la volonté est toute puissante et dont la dignité en impose au spectateur. Ce grand bonheur, Victor Hugo me l'a prodigué en abondance ; et je recommande à tous les coeurs refroidis par la monotonie de gueuler également les répliques jamais dénuées de verve de ces Don Carlos, Don Ruy Gomez, Don Sol, et Hernani. Les coeurs ont une flamme qui doivent être entretenue. 

Publicité
Publicité
Commentaires
Scolies
Publicité
Archives
Publicité