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Scolies
2 juillet 2012

CCLXX

Même parmi les bêtes brutes, on dit que quelques-unes ont de la prudence : ce sont celles qui, pour leur propre vie, paraissent avoir une certaine capacité de prévision.

– Aristote

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En revanche, certains rares individus, pourtant rattachés à l'espèce humaine, semblent entièrement dépourvus de cette vertu de prudence, de φρόνησις si chère à Aristote. En effet, qui n'a déjà vu, au cours de sa vie, de ces hommes sauvages, qu'on appelle fous, et qui, téméraires, soumis à leurs pulsions et à leur présent, négligent toute pensée de l'avenir en se lançant, aveugles, vers des actions inconsidérées et nuisibles à long terme ? J'ai rencontré un exemplaire de cette sorte malheureuse d'être humain il y a peu, et je crois que je m'en souviendrai pendant longtemps ; je ne pourrais point aisément oublier une accumulation aussi catastrophique de tous les défauts qui peuvent se réunir en une seule entité vivante. Les monstres sont plutôt à trouver parmi ces hommes là que parmi les hommes souffrant de disgrâces physiques ; et moi-même j'aurais préféré mille fois rencontré je ne sais quel monstre à face hideuse plutôt que ce nabot dont la conscience morale est demeurée à l'état de chantier en construction et qui m'a fait presque désespérer de la nature humaine, du moins pendant ces quelques jours où j'ai dû enduré sa présence intempestive. Je pense avoir mieux compris la conscience morale de Rousseau en voyant un être qui semblait n'en être définitivement pas pourvu plutôt qu'en me représentant, de façon trop abstraite, un instinct divin providentiellement incorporé en tous les êtres humains. Voilà donc un monstre soudain embarqué dans ma vie, qui s'inscruste grossièrement en mon existence de nature plutôt xénophobe, et qui provoque mille enquiquinements fort variés en écoutant systématiquement et immédiatement ses instincts abjects, lui faisant se servir sans gêne dans mes bouteilles et dans mes paquets de gitanes, brisant ainsi toutes les règles de politesse qui fondent la vie en commun et la civilisation tout entière. Il n'y a rien de plus intolérable que ces contempteurs de la politesse qui abusent de la courtoisie des autres pour satisfaire leurs misérables penchants. Que faire de ces monstres là, nuisibles à tous, et qui ne peuvent de toute évidence pas être rétablis dans le droit chemin, ni même dans un chemin quelconque ? Il risque de ne pas y avoir de réponse satisfaisante. 


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