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Scolies
18 novembre 2011

XLIII

La meilleure philosophie, relativement au monde, est d'allier, à son égard, le sarcasme de la gaieté avec l'indulgence du mépris.

Chamfort

 Autoportrait_Rembrandt

Il y a des phrases que nous trouvons bien faites ou spirituelles, que nous notons pour cette raison, et dont on découvre la portée progressivement, en y pensant, en les dépliant rationnellement avec notre entendement ; et il y a un autre type de phrases, plus rares, qui ne sont pas les mêmes selon les lecteurs, car elles parlent avant tout à l'idiosyncrasie, et ont ceci de particulier qu'elles suscitent non seulement l'étonnement, l'admiration ou l'enthousiasme, mais également le sentiment puissant qu'elles ont été écrites pour nous, ces phrases que, instantanément, intuitivement, nous aimons et dont nous sentons toute la portée. La phrase de Chamfort, ici, appartient à cette dernière catégorie. Mes Scolies, je me le dis à moi-même, ne prétendent pas embrasser le point de vue logique, le chemin qui mène de Dieu aux créatures, le point de vue synthétique ; au contraire, je dois m'efforcer d'exprimer le point de vue de la conscience, le chemin subjectif qui mène de l'esprit au monde, le point de vue analytique, selon la distinction opérée par Descartes. C'est d'ailleurs pourquoi ces Scolies ne visent pas du tout la perfection formelle ; si elles le faisaient, elles seraient amplement méditées, préparées longuement à l'avance, car la perfection ne se façonne pas quotidiennement en une vingtaine de minutes ; elles peuvent seulement être dites, comme chacune de nos productions du reste, parfaites en leur genre, comme le dit Spinoza. Idéalement, dans ces Scolies, les maladresses, inévitablement présentes en chaque essai, devraient moins être un fardeau qu'un moteur, dans le sens où elles aideraient à saisir le chemin subjectif de l'esprit en mouvement. À ce titre, cette entreprise, que je fais pour mon amusement et mon apprentissage, ne saurait avoir aucune prétention sérieuse, et il serait sans doute bien présomptueux de supposer que des exercices de ce genre puissent avoir une importante valeur en soi. « J'écris comme on fume un cigare, écrit joyeusement Stendhal, pour faire passer le temps ; une page que j'ai trouvé de l'amusement à écrire est toujours bonne pour moi. » Tout ce qui est fait ici est fait pour la célébration de Stendhal, mais peut-être encore plus de Montaigne, auquel je reviens toujours ; c'est ma façon de les aimer, en essayant d'être actif, en écrivant modestement sous leur idéal non pas écrasant (ce qui serait le cas si je me plaçais sous l'égide de Flaubert ou de Spinoza) mais réconfortant et encourageant. Je termine ainsi cette scolie, en ayant pas du tout abordé la phrase dont il était question, phrase qui est pourtant l'une de mes préférés – c'est peut-être pourquoi j'ai préféré erré librement dans une digression...

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