Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Scolies
10 mai 2012

CCXVII

Albert était pour elle le génie du Nord, profond, puissant, sublime parfois, mais toujours triste, comme le vent des nuits glacées et la voix souterraine des torrents d'hiver. C'était l'âme rêveuse et investigatrice qui interroge et symbolise toutes choses, les nuits d'orage, la course des météores, les harmonies sauvages de la forêt, et l'inscription effacée des antiques tombeaux. Anzoleto, c'était au contraire la vie méridionale, la matière embrasée et fécondée par le grand soleil, par la pleine lumière, ne tirant sa poésie que de l'intensité de sa végétation, et son orgueil que de la richesse de son principe organique. C'était la vie du sentiment avec l'âpreté aux jouissances, le sans-souci et le sans-lendemain intellectuel des artistes, une sorte d'ignorance ou d'indiférrence de la notion du bien et du mal, le bonheur facile, le mépris ou l'impuissance de la réflexion ; en un mot, l'ennemi et le contraire de l'idée.

– George Sand

friedrich

On aura beau s'amuser à déconstruire les anciens préjugés sur les différents caractères des peuples, on ne fera point disparaître certaines vieilles oppositions que l'on ferait mieux d'essayer de comprendre plutôt que de les dédaigner, comme de coutume. Le passage de Consuelo cité n'est point caricatural ; il s'agit d'une description de deux tempéraments contraires, provenant de deux contrées antagonistes ; et cette brève description ne me semble pas être dénuée de vérité. De même, les comparaison faites par Stendhal dans son traité De l'amour ne sont pas extravagantes, même si nous ne sommes plus habitués à nous évertuer à sérieusement confronter l'esprit des nations et des peuples. Cet esprit existe ; et même en ces temps de mondialisme sauvage, qui pousse les hommes à l'indifférenciation, des différences irréductibles se font heureusement observer. Un voyage en Allemagne ne fait pas voir les mêmes hommes qu'un voyage en Espagne, c'est le moins qu'on puisse dire. 

Je ne sais pas dans quelle mesure l'opposition ancestrale entre le Nord et le Sud est fondée ; mais, sans prendre excessivement au sérieux la célèbre théorie de Montesquieu, je ne peux m'empêcher de songer que le climat a nécessairement une influence considérable sur le tempérament des hommes. Chaque année, je le constate : je ne suis pas le même en été et en hiver ; mes habitudes, mes désirs, mes élans varient au fil des saisons ; et je crois que chacun peut traduire, dans l'impatience que l'on éprouve à voir venir une saison, une aspiration profonde à un changement d'état d'esprit. Si l'on désire avec ardeur l'arrivée de l'été, ce n'est certainement pas uniquement parce que l'on a envie de voir se hausser la barre du thermomètre ; et cette soif même de chaleur, aussi simple soit-elle, veut dire beaucoup. Et je remarque q'un été dans le Nord de l'Allemagne n'est même pas comparable à un automne italien. Les paysages aussi influent beaucoup sur l'état d'esprit de l'homme ; les nouvelles vues qu'offrent les fenêtres après un déménagement peuvent contribuer à expliquer bien des changements observés chez un homme. Partir en vacances, c'est vouloir temporairement changer d'état d'esprit. Il faut avoir éprouvé le désir du grand soleil pour bien le comprendre.

Aussi, sans même effleurer la tentation d'en faire une absurde règle générale, il ne faut point s'étonner que les ennuyeux métaphysiciens angoissés viennent tous d'Allemagne, et que Rossini, ce Mozart fougueux, soit un italien. 

Publicité
Publicité
Commentaires
Scolies
Publicité
Archives
Publicité